Aller simple vers l’inconnu

La complainte du progrès, comme celle de la nostalgie, sa cousine, sont des thèmes inépuisables… Leur simple évocation a de quoi faire naître un discret ennui, inciter au bâillement, anticiper une pluie de poncifs et d’enfoncements de portes ouvertes.

Et pourtant : il s’agit là de sujets universels, intemporels, essentiels et qu’il est bon de revisiter régulièrement. La marche en avant du progrès nous est-elle bénéfique ? Une réflexion affûtée peut-elle nous permettre de profiter de ses avantages, tout en évitant ses inconvénients ?

L’interrogation se justifie d’autant plus qu’un changement radical de paradigme est intervenu ces dernières décennies. Durant des millénaires, le progrès intervenait dans des dimensions et à une vitesse « humaines » ; mais depuis quelque temps, l’on constate un changement exponentiel de rythme et d’échelle. Pour le dire autrement, la notion de progrès incorporait traditionnellement l’idée rassurante de domination de la nature par l’homme.

Et si le progrès était le développement d’une erreur ? 

Jean Cocteau

Toutefois, nous sommes clairement entrés dans une nouvelle ère, celle de l’assujettissement de l’homme à la technique, voire à l’intelligence artificielle (le caractère profondément visionnaire du film de Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace, impressionne !).

Ce qui n’a pas changé, c’est l’ambivalence ressentie à l’évocation du progrès. Kant ne soulignait-il pas que les mauvais penchants humains – orgueil, avidité, esprit de rivalité – étaient à son origine (même si le résultat était profitable) ? Ou Rodolphe Töpffer : « Le progrès, la foi au progrès, le fanatisme du progrès, c’est le trait qui caractérise notre époque, la rend si magnifique et si pauvre… »

Notre dossier n’a pas la prétention d’apporter des réponses, mais n’est-ce pas notre sort et notre devoir que de nous interroger sur le voyage et sa destination, même si celle-ci nous restera jusqu’à la fin inconnue?