Masahiro Hara casse le code

L’ingénieur japonais cherchait un moyen de remplacer le système obsolète du code-barres. Plébiscité en Asie, un peu moins en Europe, son QR Code est désormais dans tous les smartphones en raison de la pandémie.

On le voyait souvent. On l’utilisait rarement. On veut parler de ce petit carré avec des motifs géométriques noir et blanc, à cheval entre le monument sacré maya et une peinture d’art optique. Depuis la pandémie, le QR Code (QR pour quick response, réponse rapide) est entré dans nos vies. Il est désormais indispensable pour traverser les frontières, voire, dans certains pays, pour aller boire un verre, voir un film ou une exposition. Une revanche pour le petit carré que le monde entier snobait.

Jeu de go

C’est l’industrie lourde qui va l’imposer. Inventé dans les années 70 par l’Américain George Laurer, le code-barres est limité à une vingtaine de caractères alphanumériques. La fiche technique d’un article peut donc requérir plusieurs codes qu’il faut scanner l’un après l’autre. Une tâche laborieuse qui signifie aussi une perte de temps. Il s’agit dès lors de trouver un nouveau système capable d’identifier rapidement et en une seule fois des milliers de données numériques complexes, y compris les kanji, les idéogrammes japonais.

Masahiro Hara raconte que c’est en observant un plateau de go que la solution lui est apparue. Le jeu de stratégie est un sport national au Japon. Il consiste en deux séries de pierre noires et blanches que les joueurs disposent à tour de rôle sur une grille. « Je regardais les pierres sur le plateau en me disant que la façon dont elles étaient alignées pourrait être un bon moyen de transmettre beaucoup d’informations en même temps », explique l’ingénieur alors employé par Denso Wave, fabricant de composants pour automobiles, filiale de Toyota. Capable d’identifier 4200 caractères, le QR Code est mis en service en 1994. Cinq ans plus tard, l’entreprise abandonne sa licence et rend le code public « pour propager une bonne technologie dans le monde entier », continue son créateur.

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(Heinz Troll)
C’est en observant le plateau d’un jeu de go que Masohiro Hara a eu l’idée du QR Code.

Carré à tout faire

Problème : l’innovation est certes très efficace, mais reste peu utilisée en dehors du secteur industriel. Il faut télécharger une application sur son smartphone pour en profiter. Une opération jugée trop fastidieuse par les usagers. Tout change en 2017. Apple permet alors à l’appareil photo de son iPhone de scanner le petit carré et ses données. Simple et facile. Avant d’être popularisé par le Covid, en Europe il se borne à faire le lien avec un site internet depuis les pages des journaux ou sur des publicités. En Asie, en revanche, les entreprises proposent par son biais des contenus interactifs et des réalités augmentées, des vidéos ou des extraits sonores pour approfondir la lecture d’un article. Fondateur de la plateforme d’achat en ligne Alibaba, Jack Ma, le trouve particulièrement approprié comme moyen de paiement sans contact.

En Chine, où il est le plus utilisé au monde, le QR Code opère presque deux milliards de transactions commerciales par jour. Cet engouement asiatique, Masahiro Hara l’expliquait au quotidien Le Figaro : « Il peut être utilisé hors ligne, ce qui se révèle très pratique dans les nombreux endroits où l’infrastructure informatique n’est pas très développée. Il est aussi moins cher à exploiter que les cartes à puces des cartes bancaires. » Ce succès n’est en effet pas étonnant dans une région du monde où les cartes de crédit n’étant jamais entrées dans les habitudes, les consommateurs règlent leurs achats avec leurs téléphones portables. Autre avantage : de nombreux sites proposent de créer ses QR Codes en quelques secondes. Cette simplicité a néanmoins un inconvénient : le code est aisément falsifiable et peut être facilement utilisé à des fins cybercriminelles. « J’ai encore quelques inquiétudes concernant la sécurité des QR Codes, reconnaît l’ingénieur japonais. C’est pourquoi j’aimerais encore améliorer la fiabilité du système ces prochaines années. » ■