Partager plutôt que consommer

Pour pallier la surconsommation, l’obsolescence programmée, le pouvoir d’achat en berne et les espaces de vie restreints, La Manivelle met plusieurs centaines d’objets à disposition des emprunteurs.

Une perceuse, un moule à gaufres, une luge, un taille-haie, un déshydrateur, une guirlande d’ampoules multicolores… tous ces objets, que l’on utilise épisodiquement, coûtent cher, prennent de la place et… de la poussière ! Alors, pourquoi ne pas les mettre en commun ? C’est l’idée qui a germé dans la tête de Robert Stitelmann, un Genevois biberonné aux valeurs sociales.

La culture du partage, il connaît, lui qui a grandi dans une coopérative de logements, et passé du temps dans des maisons de quartier et autres associations. « Étudiant, je me suis retrouvé confronté à un problème de place et de budget. J’ai cherché une solution pour continuer à faire des choses sans dépenser de l’argent pour du matériel que je n’utilisais que de temps en temps. En cherchant une solution sur le Net, j’ai découvert le système des bibliothèques d’objets et cela m’a emballé ! raconte le coordinateur de La Manivelle, avant de préciser : Au Canada, cela existe depuis plus de trente ans ! »

Très vite entouré d’une dizaine de coopérateurs et de coopératrices, il fait appel à la plateforme SIG Impact pour lancer une campagne de crowdfunding et récolte 20’000 francs. « Cela nous a permis de démarrer le projet et de couvrir les frais d’aménagement dans un local de La Jonction. La Ville de Genève via le programme ‹ G’innove › et quelques communes ont participé à hauteur de quelques centaines de francs et puis la société Makita nous a offert du matériel neuf. Mais nous manquons de financement et de soutien pour développer le concept dans tout le canton. »

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Genève, le 6 novembre 2018. Route du Vélodrome. Jonction. Rencontre avec l'équipe de La Manivelle, coopérative de partage d'objets et d'outils. Photo: Laurent Guiraud
Rue du Vélodrome, à Genève, l’équipe de La Manivelle prête des centaines d’objets à ses coopérateurs. © Laurent Guiraud

Un modèle économique, écologique et social

Bien sûr, des plateformes de vente d’objets d’occasion, à l’image de Ricardo.ch ou d’Anibis.ch existent déjà depuis deux décennies sur le Web et connaissent un certain succès. D’autres sites facilitent le prêt de voisinage, comme Tryngo.ch ou Pumpipumpe.ch, en répertoriant sur une carte tous les objets à donner, échanger ou prêter. Mais La Manivelle affiche d’autres atouts. D’abord, elle s’adresse à tous. « Tout le monde a besoin de libérer de la place chez soi et d’économiser de l’argent », s’enthousiasme le vingtenaire. Et puis, elle est écologique. En rallongeant la durée de vie des objets, elle participe à l’économie circulaire. « Il faut savoir qu’entre sa fabrication et sa mise au rebut, le temps moyen d’utilisation d’une perceuse est de 12 minutes par année, précise Robert Stitelmann. C’est un véritable gâchis d’énergie de matières premières car sa fabrication a nécessité des ressources et émis du CO2. Mais en utilisant ce modèle, non seulement il est possible de rallonger la durée de vie d’un objet, mais on peut aussi diviser par 10, voire par 20 la quantité d’objets produits. » Enfin, elle assure un volet social. « En étant sur une communauté de partage, nous créons du lien entre les coopérateurs et les coopératrices, et nous favorisons l’entraide. Être ensemble sur un projet commun, cela change toute la dynamique, notamment quand on se retrouve dans un groupe de 100, 200 voire 500 personnes et qu’on avance en partageant les mêmes valeurs. » Pour emprunter, rien de plus simple. Il suffit d’acquérir une part sociale d’un montant de 100 francs, qui donne le droit de vote en assemblée et permet de devenir membre et partie prenante du projet. Ce dépôt est rendu si l’on quitte la coopérative. Ensuite, chacun peut acquérir une carte à 50 francs pour l’emprunt de dix objets ou à 100 francs pour un emprunt illimité sur une année. Ces sommes servent un but social, pour l’achat de matériel neuf par exemple. Une fois adhérent.e, il ne reste plus qu’à piocher dans le catalogue de plus de 800 outils et autres utilitaires, tous mis en commun par des citoyens conscients des intérêts du partage. Visible sur le site, le matériel peut être réservé en ligne. « Les outils, perceuses et scies, sont plébiscités, avant le matériel de cuisine ou les objets événementiels tels que sono ou la boule à facettes. » La réservation réalisée, il ne reste plus qu’à se rendre au local, installé au 18 de la rue du Vélodrome, dans le quartier de La Jonction, pour récupérer le matériel. Pour faciliter le transport, un vélo cargo est même à disposition de l’emprunteur.

Un tour de Manivelle partout en Suisse ?

À ce jour, La Manivelle rassemble plus de 160 coopérateurs auxquels s’ajoute une dizaine de membres associatifs. Elle a déjà essaimé à Berne, Sierre et Bâle, Fribourg, Sion, Martigny, avant de s’installer à Lausanne à la fin de l’année 2019. « Bien sûr, j’accompagne ces projets et je partage l’expérience acquise à Genève, précise le jeune coordinateur. Nous sommes aussi en démarchage pour ouvrir d’autres points relais dans la ville. Cela nous permettrait d’offrir un service de proximité, d’être plus proches des gens. Idéalement, il en faudrait dans toutes les communes et dans tous les quartiers. Mais nous manquons encore de soutien. » Alors n’hésitez pas à vider vos placards !

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