L’enseignement du futur sera artificiel

Pourvu que les poètes ne s’en mêlent pas. Ni les philosophes et surtout pas les artistes. Le futur de l’humanité est une affaire beaucoup trop sérieuse pour qu’on l’abandonne aux rêveurs.

Vers l’an 2040, il sera possible d’injecter une soupe de nanorobots dans nos crânes indéformables.

Dans trente ans, nous serons immortels, au moins ceux qui auront choisi de l’être. Nos squelettes seront indestructibles et nos organes les plus fragiles auront été remplacés par des essaims de composants intelligents, insensibles à la maladie et au vieillissement. Dans trente ans, l’intelligence artificielle, celle des machines, sera des milliards de fois plus puissante que l’intelligence biologique, celle de nos cerveaux. Vers l’an 2040, il sera possible d’injecter une soupe de nanorobots dans nos crânes indéformables. Ces infiniment petites machines, infiniment intelligentes, viendront se positionner sur nos connexions neuronales pour nous permettre de repousser nos capacités intellectuelles au-delà de tout ce qui est imaginable aujourd’hui. En 2045, nous entrerons dans l’ère de la Singularité et nous vivrons une vie éternelle d’hybrides, autant humains que machines, libérés des angoisses millénaires de l’humanité intégralement biologique.

Les génies de la science

Ce futur se prépare sur un ancien campus que la NASA a mis à la disposition des deux fondateurs de la Singularity University. Peter Diamantis est un ingénieur, médecin, passionné de voyages dans l’espace qu’il entend bien démocratiser aussi vite que possible. Cet homme d’affaires a le pessimisme en horreur. Il a publié d‘innombrables best-sellers pour affirmer que l’abondance est le destin de l’humanité et que notre futur ne pourra être que radieux. Ray Kurzweil est l’autre prophète de la Singularité. Il s’est fait connaître en exprimant son désir de « tuer la mort » qui n’est selon lui qu’une anomalie, un simple bug dont le fonctionnement de la machine humaine sera bientôt débarrassé. Kurzweil est un authentique génie de la science, décrit et reconnu comme tel par les plus grands médias. Il a fait fortune en déposant d’innombrables brevets. Chaque jour, il absorbe plusieurs centaines de pilules de compléments alimentaires pour ralentir le vieillissement de son corps et ainsi donner le temps aux ingénieurs de découvrir le secret de l’immortalité. En 2012, Ray Kurzweill, a été nommé responsable de l’ingénierie chez Google. La mégaentreprise, fondée par Serguey Brin et Larry Page, est l’un des soutiens les plus actifs de la Singularity University avec Apple, la NASA, Facebook et une myriade d’autres marques universelles nées dans la Silicon Valley.

L’humanité du futur

Depuis 2008, c’est là que les élites scientifiques, économiques et intellectuelles de la planète peuvent venir se préparer à l’engloutissement fulgurant du vieux monde et à son remplacement par un « nouveau modèle civilisationnel ». Chaque année, la Singularity University accueille également, gratuitement, 80 étudiants de toutes les nationalités. Ces élus sont sélectionnés sur l’originalité de la réponse qu’ils apportent à une seule question : « Comment allez-vous changer la vie d’un milliard d’individus, en un an ? » L’extravagance n’est jamais un motif de refus des candidatures. L’intelligence humaine est à l’aube de sa libération. Ce qui semble irréalisable aujourd’hui fera le quotidien de « l’humanité augmentée ». L’optimisme forcené prêché par la Singularity University se fonde sur le dogme « computationnaliste » qui établit que l’esprit humain n’est qu’un « système de traitement de l’information » et le cerveau un « appareil de calcul ». Marvin Minsky, le scientifique qui a poussé le plus loin la réflexion sur l’intelligence artificielle, et, par ailleurs, mentor de Ray Kurzweil, affirmait que « le cerveau n’est qu’une machine faite de viande ». Bientôt, dans vingt ans tout au plus, affirme Kurzweil dans son livre « The Singularity is Near », les notions d’instruction, d’éducation, d’enseignement, d’apprentissage des savoirs et des talents seront aussi dépassées que le silex ou le bâton à fouir. On n’apprendra plus, on sera téléchargé. On ne sera plus éduqué, on sera formaté. Tout le savoir du monde, dans tous les domaines, sera injecté en quelques secondes dans nos cerveaux hybrides. L’actualisation de nos connaissances infinies se fera automatiquement par la communication entre les trillions de nanorobots qui peupleront nos cerveaux et la mémoire illimitée des machines.

« Tout cela se réalisera », estime Stephen Hawking. Il faudra simplement modifier le design de nos crânes pour y aménager des ports de communication entre nos neurones et les ordinateurs. Un détail, un simple détail technique.

Le cerveau n’est qu’une machine faite de viande.

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