Le Net, bâtisseur de projets

Pour se faire connaître et financer un projet, un produit ou sa start-up, le financement participatif est devenu la manne. Le point sur trois initiatives romandes qui ont réussi leur pari.

Avec la crise et la frilosité des banques, il a fallu chercher des financements alternatifs et c’est sur le Net que les entrepreneurs trouvent désormais leurs nouveaux mécènes. En Suisse, le secteur est en plein essor. Sur l’année 2016, ce mode de financement mettant directement en relation le porteur de projet et ses investisseurs a bondi de 362 %, passant ainsi de 27,7 à 128 millions de francs levés, selon une étude de la Haute École de Lucerne. Un montant qui pourrait même franchir la barre des 400 millions en 2017 !

Premier projet : « Les carottes ne suffisent pas », un livre engagé !

Pendant un an et demi, Josiane Haas, l’auteure, et Martine Wolhauser, la photographe, ont arpenté les 6 hectares de l’exploitation maraîchère biologique d’Urs Gfeller, située dans la Broye. Leur projet : faire connaître le travail au quotidien de ces agriculteurs qui ouvrent des voies nouvelles. « Pour notre recherche de fonds, on s’est tournées vers une plateforme suisse affichant un taux de réussite de 65 % », explique Josiane Haas. Puis, le duo a peaufiné la vitrine du projet : photos et vidéos jouent un rôle important. « Nous avons réalisé une vidéo de présentation du projet, fait le montage et cherché une musique libre de droits. Ensuite, nous avons pris des contacts pour élaborer des contreparties originales et tout cela nous a pris un bon mois », se souvient-elle. Ainsi, pour 147 francs, on pouvait vivre l’expérience de la ferme en participant à des semis sous serre avec Urs Gfeller, partager un apéro et recevoir le livre. En amont et durant toute la campagne, l’échange sur les réseaux sociaux n’a pas cessé. « Nous n’avions même pas de profil Facebook, s’amuse Josiane. Comme c’est le moyen privilégié pour faire connaître un projet, il a fallu en faire l’apprentissage. Heureusement, notre éditeur, très à l’aise avec ces outils, nous a aidées, tout comme le maraîcher qui a glissé des flyers promotionnels dans ses paniers. Communiquer à plusieurs et par des voies différentes a contribué à la réussite du projet », conclut-elle. En 45 jours, le projet a récolté 26 500 francs, donc davantage que les 22 500 souhaités. De quoi travailler avec un éditeur, un graphiste et un éditeur du cru. Un point important lorsqu’on prône l’éthique et le local.

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Livre. «Les carottes ne suffisent pas, vers une agriculture biologique de proximité» de Josiane Haas et Martine Wolhauser, 40 francs, Éditions Faim de Siècle, 2016.

Deuxième projet : La crémerie végane

Pour des raisons de santé mais aussi d’éthique, Soheil Azzam cherchait une alternative aux fromages qu’il aime tant. Dans sa cuisine, il teste et peaufine des recettes de « fauxmages », à base de noix de cajou. Rejoint par sa fille Malena et son gendre, il débute une petite production qu’il diffuse dans quelques magasins genevois. Dépassée par le succès, l’équipe se tourne vers le crowdfunding pour trouver les 80 000 francs nécessaires à l’achat de matériel professionnel. Le trio a hésité entre une plateforme permettant de récupérer la cagnotte même si le plafond n’est pas atteint et une plus traditionnelle. « L’aspect esthétique, mais aussi le fait que la plateforme soit suisse et reconnue, ont fait la différence », explique Malena. Déjà active sur Facebook, la jeune femme a pris un compte Instagram juste avant le lancement de la campagne. Et l’effet viral a été immédiat. « Nous avons très peu dormi afin de répondre aux sollicitations de la presse et aux messages sur les réseaux sociaux. Imaginez : nous avons eu plus de 700 contributeurs ! On ne s’attendait pas à ça ! Aussi, mieux vaut démarrer sa promotion avant le lancement, prévient-elle. D’autre part, on a dû relancer la fabrication de fromages véganes et assurer des dégustations dans toute la Suisse, car les gens voulaient goûter avant d’investir », se souvient Malena. Quatre jours avant la fin, il manquait 38 000 francs. Mais coup de théâtre… 20 000 francs sont arrivés d’un restaurateur genevois. « Ce coup de pouce a reboosté l’équipe comme les contributeurs et nous a permis de clore avec une enveloppe de 94 636 francs, soit 118% de financement ! », s’enthousiasme la jeune femme.

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Crémerie végane. Apéritruffes, Crémeux, Sacrebleu... et bien d’autres « fauxmages » à base de noix de cajou à déguster en boutique.

Troisième projet : Le documentaire « Demain Genève »

« L’association ‹ Demain Genève › est née en 2016, juste après avoir vu le documentaire ‹ Demain › de Cyril Dion et Mélanie Laurent », raconte Gwendolyn Cano, membre de l’association. En listant les initiatives citoyennes et solidaires existant dans le bassin genevois, l’équipe rêve de faire un documentaire. « On s’est rapidement tournés vers le financement participatif, car cela donnait une belle visibilité au projet, raconte la jeune femme, et comme  c’est un film pour les habitants de Genève, il fallait les inclure dans l’aventure. » Trois objectifs ont été fixés pour la campagne. Le premier, à 45 000 francs pour réaliser un film de 60 minutes, est atteint en 6 jours ! « On ne s’attendait vraiment pas à un tel succès », s’enthousiasme Gwendolyn. Les deux autres objectifs sont atteints peu de temps après. « À notre grande surprise, en 45 jours, on a atteint 106 025 francs soit 235 % de notre objectif de base », se réjouit-elle. En plaçant le projet parmi ses coups de coeur, la plateforme a augmenté sa visibilité. « Dès la création de l’association, on a ouvert un compte Facebook puis Twitter et Instagram. La communication s’est intensifiée lorsque nous avons lancé la campagne. Concernant les contreparties, les billets pour l’avant-première ont bien marché, comme celles qui impliquaient les contributeurs. On n’a pas hésité à en rajouter en cours de campagne. » Pour 200 francs, une demi-journée de tournage est offerte et le nom du donateur figure au générique et sur le site. Cet engouement a généré de nombreux messages. « Répondre à toutes les sollicitations a pris du temps, d’autant qu’on travaille tous à côté et qu’il faut continuer à filmer ! » Le tournage s’est poursuivi tout l’été puis place au montage. Pour boucler entièrement son budget, estimé à 200 000 francs, l’équipe s’est assuré le soutien d’entreprises partenaires et continue de solliciter institutions et fondations. Le documentaire, quant à lui, sortira cet automne sur les écrans.

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Documentaire. Gwendolyn Cano, Gaspard Grosjean, Elisabete Fernandes et Grégory Chollet filment les porteurs de démarches alternatives de la région genevoise.
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