Le canton de Vaud divisé sur la refonte de la LPPL et de la LAAL

Ces dernières années, la préservation du parc locatif vaudois a entraîné de vifs débats au Grand Conseil. La refonte de la LPPL et de la LAAL ne devrait pas déroger à la règle avec une classique opposition gauche/droite. Ce projet de réforme sera discuté en plénum cet automne.

Quand il s’agit d’analyser la refonte de la Loi sur la préservation du parc locatif (LPPL) et de la Loi concernant l’aliénation des appartements loués (LAAL), il convient d’abord d’en déterminer les enjeux. Selon Eric Bron, juriste au service de l’économie, du logement et du tourisme du canton de Vaud « L’idée de la fusion de ces deux textes a pour but de simplifier et d’alléger les procédures afin de lutter contre la pénurie de logements.» Concrètement, la fusion de ces deux lois permettra, selon ses partisans, de simplifier les démarches administratives pour rénover ou modifier des logements isolés dans un bâtiment. Elle devrait aussi favoriser la transformation de bureaux en logements. La question des rénovations énergétiques serait également mieux intégrée. Enfin, cette nouvelle loi devrait permettre une application différenciée en fonction de la gravité de la pénurie à l’échelle du district, les conditions de travaux seraient assouplies si le taux de vacance se situe entre 1 et 1,5%. Elles resteraient inchangées si le taux devait stagner, comme aujourd’hui, entre 0 et 1%. Selon Béatrice Métraux, conseillère d’Etat vaudoise en charge des institutions, cette refonte n’a que des avantages : « Il s’agit essentiellement de compléter et de moderniser deux anciennes lois. La LPPL, comme les LDTR et LAAL qu’elle remplace, a pour vocation la protection du parc locatif, notamment en surveillant les augmentations de loyers dans les cas de transformation et de rénovation ou en cas de démolition ou de reconstruction. Les loyers continueront donc à être contrôlés. La LPPL prévoit aussi d’améliorer l’information aux locataires, puisque ces derniers connaîtront à l’avance plus de détails concernant la nature des travaux, le calendrier et les répercussions prévisibles sur les loyers au moment du dépôt de la demande d’autorisation. Pour le propriétaire, toute simplification administrative est certainement la bienvenue. De plus, la procédure simplifiée pour les logements isolés dans un bâtiment permettra d’éviter d’avoir un logement vacant durant plusieurs mois. »

Actuellement, il existe des cas absurdes.

Rénovation spéculative ?

La Loi sur la préservation du parc locatif (LPPL) a été traitée en commission de Grand Conseil en même temps que le contre-projet à l’initiative de l’Asloca « Stop à la pénurie de logements ». La majorité de la commission ad hoc s’est montrée favorable à ce projet de réforme. Pourtant, le député du groupe La Gauche au Grand Conseil et avocat Jean-Michel Dolivo entend bien s’y opposer avec fermeté : « Cette refonte risque de créer une forme de rénovation spéculative avec des augmentations de loyer injustifiées. Et on risque aussi d’assister à la réalisation de travaux superflus, uniquement prétextes à alourdir la note pour les locataires. »

Endiguer la pénurie

Par rapport aux logements ou opérations exclus du champ d’application de la loi, selon les milieux de défense des locataires, seuls les immeubles d’habitation comprenant deux logements devraient pouvoir être exclus du champ d’application. La valeur à neuf ECA permettant cette exclusion devrait être augmentée à 1 000.–/m3. Quant à l’exclusion de l’aliénation « en bloc » à un même acheteur d’un immeuble d’habitation ou de la totalité des lots d’une propriété par étages appartenant à un même propriétaire, lorsque ce transfert est prévu à titre d’investissement et n’a pas pour conséquence de soustraire du parc locatif la majorité des logements concernés, elle serait problématique selon les opposants à la refonte, ouvrant la porte à toutes les « combines ». La dispense d’autorisation pour des travaux de rénovation dont la valeur est inférieure à 20% de la valeur à neuf ECA, portée à 30% dans la LPPL, est considérée comme fort contestable par les milieux de défense des locataires. Suite au décès du conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud, puis du changement de législature en 2012, la commission en charge de ce nouveau projet LPPL a différé ces travaux, qui ont repris en 2014.  Une occasion idéale, selon les partisans de cette refonte, d’endiguer la pénurie de logements. « J’y suis favorable, précise Olivier Feller, directeur de la Chambre vaudoise immobilière et conseiller national PLR. Cela fait dix ans que ce débat a été lancé et ce projet n’a donc pas été réalisé à la hâte. Il offre une meilleure lisibilité et harmonise certaines notions comme celle de la pénurie. » Même constat de la part de Frédéric Borloz, député PLR : « Actuellement, il existe des cas absurdes. Je pense à un immeuble que je connais bien. Sa propriétaire souhaite le raser pour construire de nouveaux logements et améliorer la surface totale. Le problème, c’est qu’elle ne pourra pas augmenter les loyers en conséquence. Elle a donc choisi de le laisser tel quel. Quand on parle de pénurie, il faut savoir prendre les bonnes mesures. La refonte de la LPPL et de la LAAL en est une. »

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Immobilier Urbanisme