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Le vieux Toulouse, un trésor caché

Derrière les lourdes portes de bois noircies par les siècles, les hôtels-palais dissimulent leurs cours Renaissance. Les cloîtres médiévaux offrent de surprenantes oasis de tranquillité à l’ombre des cyprès géants. Et dans le recoin d’une ruelle, une terrasse insoupçonnée attend qu’on s’y attarde pour l’apéro. Plongée dans le vieux Toulouse, trésor caché où le bien vivre est un art.

Leur puissance, il fallait qu’ils la montrent. Alors les « capitouls », ces riches commerçants qui ont régné sur Toulouse du XIIe siècle jusqu’à la Révolution, se sont bâti les plus beaux édifices qui se pouvait. Leur splendeur connut leur apogée aux XVe et XVIe siècles, sous la fièvre de construction des « princes du pastel ». Ces marchands prospères avaient fait fortune grâce à la spéculation internationale sur l’« or bleu » qui fit la gloire de la cité gasconne avant d’être détrôné par l’indigo. On compte aujourd’hui encore une centaine de ces hôtels particuliers dans le vieux Toulouse. Il suffit de pousser des portails monumentaux de bois massif sculpté pour pénétrer dans des cours intérieures où le temps s’est figé il y a plusieurs siècles. Des escaliers en colimaçon étroits et sombres, faits de lourdes marches creusées par les ans, mènent vers des balcons à l’ombre salvatrice dans la touffeur de l’été. Vigne ou glycine grimpent le long des façades aux briques rose saumoné, et les galets lissés par le temps brillent sur le sol du patio. Certains hôtels particuliers sont des propriétés privées où les logements de charme s’arrachent à prix d’or. De nombreux autres sont ouverts au public, comme l’ancienne demeure de Pierre d’Assézat, marchand pastelier et capitoul de Toulouse. Chef-d’œuvre de la Renaissance classique, l’hôtel fut édifié à partir de 1555. La cour d’honneur, somptueuse, sert d’écrin aux deux façades rythmées par les colonnes antiques. Sous une galerie de voûtes en arc, on peut y déjeuner ou prendre le thé, pour s’initier au délicieux farniente du Midi.

Dans le cloître des Jacobins, des transats ont été installés pour contempler la cour carrée.

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Toulouse. Le pont Saint-Pierre et, au fond, le dôme de la Grave.

Bonne chère et sieste

Apprécier la vie est la seconde nature des Toulousains. La bonne chère, d’abord, y est érigée en devoir. Quand les premiers rayons du jour caressent les briques foraines, qui ont donné son nom à « la Ville rose », les citadins épicuriens prennent d’assaut les marchés de la métropole, comme ceux de Victor-Hugo ou des Carmes. L’alignement des étales de foies gras, magrets, truffes et autres cassoulets n’est interrompu que par les comptoirs des cavistes où l’on boit sur le pouce le dernier Fronton, Gaillac ou Madiran en commentant entre copains le dernier match de rugby du Stade Toulousain. Mais si le club a gagné, le petit « apéro » sage se transformera vite en Fête avec un grand « F », comme seule sait la faire cette quatrième ville étudiante de France. La place Saint-Pierre se noircit alors de monde et on dansera au rythme des groupes jouant sur les scènes de plein air. Sur les rives de la majestueuse Garonne, un pique-nique s’improvisera alors sur l’herbe, pour mieux voir les monuments se revêtir de mauve sous le soleil éblouissant du Midi, ou tutoyer le rouge au crépuscule. La sieste suivra, bien entendu. Car ici, elle est reine. On la pratique sur un banc à l’ombre des platanes longeant le Canal du Midi, majestueux ouvrage d’art qui relie la Méditerranée à l’Atlantique en traversant Toulouse. Même dans le cloître des Jacobins, bijou architectural de l’art gothique des XIIIe et XIVe siècles, des transats ont été installés, pour le plus grand bonheur des touristes en mal de détente. On s’y installe en contemplant le paysage parfait des cyprès géants s’élançant en flèches vers le ciel bleu azur, dans la cour carrée encerclée du déambulatoire des Dominicains. C’est à Toulouse que ces frères prêcheurs avaient fondé leur ordre il y a 800 ans exactement.

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La place Saintes-Scarbes sous le soleil du Midi.

Le plus grand édifice roman d’Europe

Aujourd’hui, l’ensemble conventuel est un havre de paix en plein centre-ville, à l’écart de l’animation débordante des rues commerçantes et dans le renfoncement d’une de ses allées tortueuses, tracées au Moyen Age, où il fait bon flâner au soleil du Midi. Toulouse est par excellence une ville qui se découvre à pied, pour pouvoir faire des sauts de puce, de boutiques en jardins apaisants, de placettes ombragées en églises médiévales. Parmi elles, la majestueuse basilique Saint-Sernin « illumine le soir », comme le dit l’enfant du pays, Nougaro, dans sa chanson « Toulouse ». Le plus grand édifice roman d’Europe est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, au titre des chemins de Saint-Jacques de Compostelle dont la cité des Capitouls est une des étapes les plus importantes. Saint-Sernin fut érigée dès le XIe siècle, en grande partie avec des briques toulousaines, seul matériau fourni en abondance par les plaines alluviales de la Garonne. Au Moyen Age, les pèlerins y affluaient en masse de tout l’Occident pour vénérer les reliques de saint Sernin (ou saint Saturnin), premier évêque de Toulouse à la destinée singulière. En l’an 250, sous l’empire romain, alors que Saturnin était à la tête de la plus ancienne communauté chrétienne connue de Tolosa, il est interpellé devant un temple païen, qu’il devait longer pour se rendre à son église. Des païens l’accusent alors de perturber les dieux gréco-romains et exigent qu’il participe au sacrifice rituel d’un taureau pour Jupiter. L’évêque refuse. La foule se saisit de lui et l’attache au taureau. L’animal dévale ce qui serait aujourd’hui la rue du Taur (« taureau » en occitan). Le chrétien meurt rapidement et son cadavre finit sa course non loin de la basilique qui portera plus tard son nom.

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Le cloître des Jacobins, berceau de l’ordre des Frères prêcheurs, créé en 1215 par saint Dominique.

Le Capitole, coeur de Toulouse

Aujourd’hui, la rue du Taur est une de ses rues semi-piétonnes très animées qui mènent à la monumentale place du Capitole, où bat le coeur de Toulouse. La place, incrustée de lacis de bronze formant une croix du Languedoc, est le lieu de rendez-vous des Toulousains. Ils aiment s’y promener sous les arcades qui l’entourent ou boire un verre aux nombreuses terrasses qui font face au Capitole. Aujourd’hui Hôtel de Ville, le monument abritait jadis l’Assemblée des capitouls, qui régnaient sur Toulouse jusqu’à la Révolution. Les puissants notables avaient voulu un édifice à leur gloire, d’où cette façade longue de 128 mètres qui alterne le blanc éclatant de la pierre et le rose chaud de la brique. Dans un espace restreint, donc facile à découvrir pour le touriste en manque de temps, le vieux Toulouse, perle du Midi, est un concentré de merveilles qui garantit le dépaysement. La ville mène d’ailleurs campagne pour être inscrite dans sa totalité sur la liste du patrimoine de l’Unesco. « Tout est réuni pour faire de Toulouse une des villes les plus L’art agréables de France », écrivait le célèbre libraire François Gimet en 1876.

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Patrimoine Urbanisme