Le jeûne thérapeutique : à boire et à manger
Bonne pour le corps et l’esprit, l’ascèse culinaire est reconnue d’utilité publique. Sous certaines conditions strictes.
En Allemagne, le jeûne thérapeutique, plébiscité chaque année par des millions de patients, n’est pas considéré comme une médecine parallèle ou une lubie de magazine féminin. C’est une thérapie aux vertus éprouvées depuis des décennies, pratiquée dans une dizaine d’hôpitaux publics. Certains établissements se sont spécialisés dans ce type de traitement des maladies. Le plus célèbre se situe à Überlingen, à 10 kilomètres à vol d’oiseau de la frontière suisse. La clinique Buchinger porte le nom du perfectionneur moderne d’une discipline, vantée déjà par Hippocrate, père de la médecine (460 – 370 av. J.-C). Souffrant de rhumatismes articulaires aigus, le docteur Otto Buchinger se soigna seul en 1917, grâce à une simple diète de 21 jours. L’établissement qu’il fonda en 1953 soigne des curistes du monde entier, venus en raison d’un burn-out, d’un diabète, pour des problèmes d’asthme ou de tension. Beaucoup ont tenté divers régimes (sans lait, sans gluten, sans sucres raffinés…) avant d’opter pour le jeûne. Pour un séjour de 10 jours, comptez un budget de 2 000 à 5 000 francs.
Occuper le corps et l’esprit
Sur les bords du lac de Constance, les patients, soumis à un traitement individualisé, se requinquent. La cure débute par un rendez-vous avec un médecin et une désaccoutumance progressive au rythme d’alimentation classique, grâce à des bouillies de céréales. Dès le deuxième jour, après un lavement, le vrai régime commence : jus de fruits le matin, tisane au miel le midi et bouillons de légumes le soir. L’eau et les infusions à base de plantes sont servies à volonté. Pour occuper les esprits et purifier le corps, il est recommandé de se lancer dans de grandes balades sur les coteaux plantés de mélèzes ou de nager dans la piscine chauffée. Les premiers jours, maux de tête, crampes ou nausées sont fréquents mais une fois sevré, le corps ressent une nouvelle énergie et l’esprit est gagné par la sérénité, témoignent les « accros » à ce régime.
En fait, l’étude des paramètres biologiques d’une personne en période de jeûne a montré que celui-ci entraînait des changements dans les données sanguines et hormonales – hausse du cortisol (effet anti-inflammatoire), baisse de l’insuline et des hormones thyroïdiennes T3 et T4, hausse de la dopamine et de la sérotonine… – qui expliqueraient notamment les effets sur l’inflammation et les changements au niveau émotionnel (sensation de calme, de plénitude…). À la clinique Buchinger, on pratique la thérapie « intégrative » qui allie médecine conventionnelle et médecines complémentaires : test d’efforts pour le cœur, Doppler des artères, acupuncture, ostéopathie, réflexologie plantaire, physiothérapie.
Le foie et les parois de l’intestin se régénèrent, le pancréas et l’estomac sont mis au repos et la flore intestinale se rééquilibre.
Le système digestif en vacances
Les bénéfices physiques sont expliqués par la doctoresse Françoise Wilhelmi de Toledo, directrice de la clinique : « Le système digestif, malmené par une alimentation riche ou déséquilibrée, se met au vert : le foie et les parois de l’intestin se régénèrent, le pancréas et l’estomac sont mis au repos et la flore intestinale se rééquilibre. » En favorisant l’élimination de toutes les toxines de l’organisme, le jeûne se transforme en véritable détox. Autre effet secondaire bénéfique : la perte de poids. Privé d’alimentation, l’organisme pioche dans les réserves de graisse. Mais cette perte de poids ne sera durable que si la réflexion vous pousse à changer vos habitudes alimentaires : le séjour propose également des cours de cuisine sans sucre, sans sel et sans graisse.
Le jeûne doit être encadré
Discipline reconnue, elle n’en est pas moins strictement encadrée. Très clairement : seul celui qui est en bonne santé physique peut observer cette période de diète chez lui, après avoir évoqué le sujet avec son médecin traitant. La décision doit être mûrie et motivée. Et le jeûne est déconseillé pour quelqu’un sortant de maladie ou d’une opération, les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes souffrant de malnutrition ou d’insuffisance rénale. Même pour les personnes en pleine santé, la cure doit être limitée préconise l’écotrophologue (diététicienne de haut niveau) Heike Plotz : « Cinq à sept jours sont souvent conseillés pour en ressentir les effets bénéfiques, deux semaines au maximum. Si la cure dure davantage, des carences apparaissent : en vitamines, oligo-éléments ou albumine.
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