La maison de demain, c’est aujourd’hui

Confort, sécurité, économies d’énergie, le tout contrôlé par ordinateur… La maison devient intelligente et multi-connectée. La domotique, longtemps restée confidentielle, se démocratise.

Sept heures du matin dans la maison connectée. Le réveil sonne, entraînant automatique-ment l’allumage de la cafetière. Vous vous dirigez ensuite vers la cuisine, laquelle s’éclaire sans que vous ayez à toucher le moindre interrupteur. Votre station de radio préférée s’enclenche. La lumière du jour commence à poindre, et l’intensité des lumières diminue dans le même temps. Prêt à partir, vous claquez la porte derrière vous. Celle-ci se verrouille, les lumières s’éteignent, le chauffage se met en veille, et votre système de sécurité s’active.
Ce scénario n’a rien de futuriste. Il est aujourd’hui aisément programmable grâce au développement de la domotique. Derrière ce terme se cache ce qu’on appelle aujourd’hui la « maison intelligente ». En clair, il s’agit d’un système de mise en réseau des appareils d’un habitat – luminaires, chauffage, volets roulants, Hi-Fi, alarmes et capteurs, appareils électroménagers, etc. – au moyen d’ondes radio, d’infrarouge, de courants porteurs ou de câbles spéciaux. Un ordinateur central relie ces équipements les uns aux autres et permet aux habitants de la maison de leur « donner des ordres » afin qu’ils interagissent. Comme déclencher l’allumage de la cafetière lorsque le réveil sonne. Une fois les « scénarios » enregistrés, le fonctionnement des appareils devient automatique. Les commandes sont données à l’aide d’un petit ordinateur, d’une télécommande ou même d’un smartphone ou d’une tablette numérique.

Une maison plus confortable, plus sûre et plus économe

L’automatisation de certaines tâches et la possibilité de programmer des « ambiances » contribuent au mieux-vivre, à une époque où l’on aspire à passer du bon temps chez soi. Ce confort domestique va de pair avec un confort thermique. Grâce à des capteurs placés dans et à l’extérieur de la maison, le chauffage et la climatisation s’adaptent pour réguler la température ambiante. Un bien-être également synonyme d’économie d’énergie car les systèmes de régulation permettent de maîtriser sa consommation d’électricité et de mieux gérer le chauffage de son habitat. Par exemple, on programme le chauffage pour qu’il se mette en veille lorsqu’une fenêtre est ouverte ou lorsqu’une pièce est inoccupée pendant plus de 20 minutes. A l’inverse, on active le chauffage une demi-heure avant de rentrer chez soi. Il en est de même avec les lumières : des détecteurs de présence placés dans chaque pièce peuvent ainsi commander l’allumage ou l’extinction des éclairages. D’autres détecteurs – de présence, de fumée, de fuite d’eau – offrent également une meilleure sécurité. Tout comme la possibilité de surveiller sa maison à distance, depuis son téléphone portable.

Des débuts hésitants…

Si la domotique n’a rien de nouveau, elle n’a pas su s’imposer dans les maisons. « Il y a d’abord eu des erreurs de marketing, avance Bruno de Latour, expert européen en domotique, un secteur qu’il a largement contribué à populariser dès les années 1980. Les premiers systèmes manquaient d’ergonomie. Cela a contribué à donner une mauvaise image de la domotique, considérée comme compliquée et coûteuse. »
Le bureau d’étude britannique BSRIA cite d’autres raisons pour expliquer le faible taux de pénétration de la domotique (environ 7 % des nouvelles constructions en Europe de l’Ouest*), à commencer par l’absence de protocole standardisé. Aujourd’hui, une multitude de technologies existent, mais celles-ci ne sont pas toujours compatibles les unes avec les autres. Des efforts de standardisation sont toutefois en cours. Quelques protocoles (KNX et EnOcean pour ne citer qu’eux) sont en passe de devenir des références. Autre problème, celui de la formation des professionnels du bâtiment. Or, selon Tim Page, le directeur marketing de BSRIA, « les architectes n’ont pas encore compris l’intérêt d’installer un système de domotique. Quand le client émet le souhait d’en avoir un, il est souvent trop tard, et l’installation devient trop coûteuse. » Mais Bruno de Latour se dit confiant car la nouvelle génération d’architectes, comme les nouveaux électriciens, se montre de plus en plus intéressé par ces technologies.

La domotique à un tournant

Restent les coûts, encore jugés dissuasifs : autour de 30 000 euros l’installation complète en moyenne. Rien d’étonnant, donc, à ce que près de la moitié des installations de système domotique se trouvent dans les appartements et villas de luxe. Mais ces technologies sont de moins en moins chères, et les prix continueront de baisser à mesure que la domotique se généralisera. En décembre dernier, Swisscom a ainsi lancé son offre domotique. D’après Carsten Roetz, porte-parole de Swisscom, « les gens ont un désir naturel de sécurité et de confort, et sont en quête de plus d’efficacité énergétique au quotidien. Nous voulons être présents sur ce secteur en pleine croissance. » Comme Swisscom, de nombreuses entreprises du secteur informatique et des télécommunications ont ainsi fait le pari d’un décollage de la domotique dans les prochaines années : IBM, Microsoft, Google, Orange, SFR… Les grands groupes sont sur les rangs et dévoilent chacun leur tour des initiatives dans le domaine de la maison intelligente et connectée. « Nous sommes à un tournant ! », s’enthousiasme Bruno de Latour. Le bureau d’étude BSRIA prédit lui aussi un développement rapide du marché à partir de 2014/2015. La domotique devrait en effet bénéficier du déploiement des « compteurs intelligents », dont seulement 10 % des foyers européens sont aujourd’hui pourvus. La demande sera également tirée par la démographie : le vieillissement de la population européenne oblige les politiques de santé à s’adapter. « La domotique peut être un outil intéressant pour le maintien à domicile des personnes âgées. C’est encore un marché de niche, mais un marché en pleine croissance », affirme Tim Page. Un marché qui pourrait bénéficier, comme c’est déjà le cas aux Pays-Bas, de subventions publiques.

La domotique peut être un outil intéressant pour le maintien à domicile des personnes âgées.

Et demain ? Demain, tous nos appareils seront équipés de petits capteurs, des micro-processeurs qui permettront à la machine de communiquer avec nous. « Vous serez confortablement en train de regarder la télévision quand un technicien viendra frapper à la porte ; dans sa main, une pièce détachée pour remplacer celle que le réfrigérateur vient de lui signaler comme défectueuse. Et cela avant même que l’appareil tombe en panne ! », prédit Bruno de Latour. Bienvenue dans l’ère de « l’internet des objets ».