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La concentration des médias s’accélère en Australie

La concentration des médias en Australie est une des plus élevées de la planète ; elle le sera plus encore dans les mois qui viennent.

Le Parti libéral au pouvoir a fait table rase, en septembre dernier, de lois vieilles de trente ans qui restreignaient encore la mainmise sur l’ensemble des journaux, des télévisions et des radios par une poignée de joueurs dont News Corporation, l’empire de Rupert Murdoch. L’enfant du pays, né dans une ferme au sud de Melbourne, devenu Américain en 1985 pour raison d’affaires, s’est réjoui, comme tous les grands propriétaires de médias, de la décision du Gouvernement australien.

Les reines et les princes

L’ancienne législation imposait des limites géographiques (une couverture de seulement 75% du territoire pour une station de télévision) et interdisait le mélange des genres avec
ses «cross media ownership laws» qui empêchaient un groupe de posséder plusieurs types de médias à la fois. Il était, par exemple, impossible pour le propriétaire d’un journal d’avoir une chaîne de télévision dans la même région. Selon une formule devenue célèbre du Premier Ministre Paul Keating qui, dans les années 80, avait initié cette législation, il fallait séparer les reines de l’écran et les princes de l’écrit («The Queens of the screen and the Princes of the print») pour éviter un phénomène de concentration.

La rengaine est familière dans un pays de seulement 24 millions d’habitants sur un continent relativement éloigné du reste du monde. Qu’il s’agisse des médias, des banques, des compagnies aériennes ou des chaînes de supermarchés, quelques grosses compagnies contrôlent la vie économique et médiatique de l’Australie.

La fin des reines de l’écran et des princes de l’écrit ? »

La mort de la diversité

En 2007, la loi est modifiée et permet à une compagnie d’acquérir deux types de médias différents. Dix ans plus tard, les dernières barrières tombent, il est possible désormais de posséder une chaîne de télévision, une station de radio et un quotidien dans la même ville : les princes et les reines vont pouvoir régner ensemble. Si les commentateurs australiens veulent bien reconnaître que ces lois n’étaient plus forcément adaptées à un paysage médiatique et technologique totalement bouleversé, ils s’accordent à dire qu’une consolidation accrue des médias aura certainement pour conséquence moins de diversité dans les voix qui s’expriment en Australie et le risque d’une plus grande concentration des pouvoirs. C’est ce que dénoncent les opposants à cette nouvelle législation, dont le Parti travailliste qui estime que le Gouvernement vient d’offrir une belle faveur à M. Murdoch, beaucoup plus proche politiquement des libéraux. Lors des élections fédérales, en 2016, les journaux de News Corporation ont apporté « un soutien incessant et un soutien dénué de toute critique » au Parti libéral, estime Denis Muller, chercheur au Center for Advancing Journalism de l’Université de Melbourne.

La faute à Facebook ?

Les grands propriétaires des médias australiens assurent que la nouvelle législation leur permettra d’être plus forts face à la concurrence étrangère et à l’ascension de compagnies telles que Facebook et Google qui raflent la mise, celle de l’argent de la publicité.

La plupart des experts en doutent mais une enquête a été diligentée par le Gouvernement pour mesurer l’étendue des dégâts. Elle sera menée par la Commission australienne de la concurrence et des consommateurs (ACCC). «La plupart des annonceurs dépensent moins dans la publicité pour les journaux papier et trouvent des alternatives pour atteindre leurs consommateurs», explique son président Rod Sims qui s’inquiète de voir les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux affecter la capacité des médias traditionnels à financer le développement de contenus. «Nous examinerons de près, explique-t-il, l’impact des plateformes numériques sur le niveau de choix et de qualité des articles et des contenus produits par les journalistes australiens.» Le temps presse. Ces dernières années, les médias australiens ont perdu des centaines de millions de dollars et des centaines de journalistes ont perdu leur emploi dans des plans de restructuration qui n’ont guère freiné le déclin d’une presse qui essaie de se réinventer pour survivre.

 

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