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La fripe, c’est chic

Le marché du vêtement d’occasion n’est plus aujourd’hui réservé aux petits budgets et aux amateurs de mode vintage.

Sur le marché aux puces de Plainpalais, plusieurs mains s’activent et fouillent une montagne de vêtements. Une jeune femme extrait une veste noire, scrute le tissu, évalue la coupe, les finitions avant de lâcher l’affaire pour s’emparer d’un sac en cuir artisanal. Elle semble s’y connaître ! Mélanie appartient en effet au sérail, celui de la mode. Ses études d’art à New York et à Paris lui ont permis de « se faire un œil », tout comme son expérience de styliste aux côtés de « Monsieur Lacroix » ou pour le bureau de style Peclers. « Les marchés aux puces et les fripe-ries sont de vraies cavernes d’Ali Baba pour les créateurs. On vient s’inspirer ici de la coupe d’un manteau, là d’un imprimé, de la forme d’un col, du positionnement des boutons sur une robe, explique Mélanie. Les habits sont souvent de meilleure qualité que ceux que l’on trouve aujourd’hui dans la grande distribution. » Avec sa veste bleue, piquée aux ouvriers, et son foulard Liberty dégoté à l’Armée du Salut, elle a un style qu’elle revendique. « S’habiller, c’est raconter une histoire ! C’est un état d’esprit. Alors, porter la même chose que tout le monde, très peu pour moi. Je préfère mettre un peu de poésie dans mon quotidien et cela passe par une façon bien à moi de me vêtir. »

Démarche écoresponsable

Le choix du « seconde main », c’est aussi une façon de répondre à l’uniformisation de la mode. « À une période de ma vie, j’ai travaillé pour une marque de grande distribution et j’ai vraiment pris conscience de cette surproduction et de cette uniformisation. M’habiller en partie avec des fripes est un acte militant et une réponse à ce consumérisme de masse, au diktat de la mode. Pour trouver sacs en cuir, manteaux, robes et même chaussures, elle se rend plusieurs fois par semaine au marché aux puces, dans les Caritas et autres Emmaüs. « J’y vais pour glaner ! J’aime l’ambiance avec ce mélange de population, et quand mon œil se pose sur quelque chose, qu’il est captivé, je suis comme enivrée. Mais il m’arrive aussi de rentrer sans rien. » Il faut en effet savoir faire preuve de patience. Prendre le temps de fouiller est l’une des clés. Ensuite, pour bénéficier des arrivages réguliers, il est préférable de se rendre plusieurs fois en boutique. Et ne pas hésiter à essayer, vérifier l’état du tissu avant de conclure la vente. « Ce ne sont pas les marques qui orientent mes choix, raconte Mélanie. Je préfère m’attacher à la couleur, à la beauté du tissu, à la coupe et aux finitions. Et à Genève, nous sommes plutôt bien servis, car les gens prennent soin de leurs affaires. » La styliste achète en moyenne une quinzaine de vêtements ou accessoires par mois pour un budget qui ne dépasse pas 150 francs. Elle conserve dans son dressing les vêtements exceptionnels qu’elle a plaisir à porter. Ces autres coups de cœur s’exposent dans sa boutique en ligne « MesLunes Vintage » sur Etsy.

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Melodia Marques et Morgane Baatard. Ces deux « patronnes »  se sont confectionné un dépôt-vente/tea-room à leur image.

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À Lausanne, le Café des Patronnes est l’endroit éco-friendly pour dégoter la petite pièce vintage ou la robe griffée à prix doux. Les clientes essaient, pendant que d’autres patientent au tea-room jouxtant cabines et portants. L’ambiance est décomplexée tant pour l’achat que pour la dépose de vêtements destinés à la revente. « J’ai toujours fait appel au seconde main pour m’habiller, explique Melodia, l’une des fondatrices de cet espace. À l’époque, ce n’était pas très bien vu, mais cela commence à changer. Dans notre boutique, vous pourrez voir aussi bien la jeune fille, encore étudiante, en quête de pièces actuelles à prix sympas, que des femmes plus âgées qui ont choisi de consommer de façon plus éthique. » À côté des sacs à main, les robes et blouses restent les produits phares. « Elles s’adaptent plus facilement aux différentes morphologies qu’un pantalon ou une paire de chaussures », convient la jeune femme. Chaque semaine, les deux associées réinjectent entre 150 et 300 nouvelles pièces qui resteront maximum un mois en boutique. « Ce tournus nous permet de fidéliser notre clientèle », explique l’une d’elles. Les réseaux sociaux, avec FB et Instagram, servent aussi de vitrines. « Nos clientes découvrent une sélection et peuvent réserver une pièce par téléphone », poursuit-elle. Pour plaire au plus grand nombre, les deux jeunes femmes varient les tailles et les styles, choisissent des imprimés colorés et des matières agréables, sans oublier les marques. Quant au vintage, « il faut que le vêtement soit en bon état et que sa coupe soit actuelle ». Et la formule séduit. « Certaines clientes viennent tous les six mois, avec un budget de 300 francs, refaire entièrement leur garde-robe. En ache-tant du neuf, elles ne pourraient s’offrir qu’une à trois pièces », conclut Melodia. Et ce nouveau comportement d’achat est loin d’être marginal.

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