Un « morceau de montagne » en plein cœur de Meyrin

Le Jardin botanique alpin de Meyrin est une respiration bienfaisante. Son inscription à l’inventaire depuis 2016 et sa distinction du prix Schulthess des jardins reçue en 2019 confirment son statut de site culturel remarquable.

Que Monsieur Amable Gras repose en paix ! Bien qu’un peu entamé au sud par les travaux du tramway, son extraordinaire jardin, conçu au début du XIXe siècle, n’a pas perdu de sa superbe ni de son intérêt. Après le décès du négociant en tissus en 1952, dont le magasin éponyme se trouvait rue de Coutance à Genève, la propriété qu’il avait acquise après la Grande Guerre et baptisée Montgardin, a été achetée en 1960 par les autorités communales pour la somme de 625’000 francs. « L’espace aurait pu être transformé en zone d’habitation ou d’équipements publics », note Olivier Chatelain, chargé du service Environnement de la commune, cependant les autorités ont pris in extremis toute la mesure de ce trésor rare et fragile créé par un passionné du biotope montagnard alpin. Ses rocailles alpines emblématiques qui en sont les plus significatifs étendards ont d’ailleurs fait l’objet d’une parution élogieuse dans le magazine français L’Illustration en mai 1932.

Les Alpes et autres splendeurs au cœur de Meyrin

Les grilles du jardin passées, le visiteur est convié à faire un voyage dans le temps et l’espace. On y découvre la flore indigène genevoise et la steppe valaisanne, traverse des zones montagnardes subalpines et alpines et embrasse du regard des massifs consacrés à d’autres régions du monde, Himalaya, Caucase, Balkans, etc. Des poules huppées d’Appenzell et des chèvre bottées, hôtes protégés, vivent à l’ombre des érables, chênes, séquoias et autres cèdres majestueux. Nouvelle ère, nouveau défi. Les arbres souffrent du manque d’eau. Les jardiniers doivent désormais prendre le changement climatique en compte et testent de nouvelles variétés de plantes, plus autonomes en eau, provenant d’Australie, d’Afrique du Sud, de Patagonie ou de Méditerranée. Les travaux de valorisation menés en 2015 et 2016 par l’architecte Véronique Favre ont d’ailleurs pris en compte ces nouveaux paradigmes.

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La richesse dendrologique fait écho aux recherches et réalisations d’illustres botanistes.
La richesse dendrologique fait écho aux recherches et réalisations d’illustres botanistes.

Un lieu de préservation et de transmission

Comme ses vingt-quatre homologues en Suisse, ce poumon vert aussi petit est-il joue un rôle crucial dans la préservation et la conservation ex situ d’espèces végétales menacées, endémiques ou provenant de contrées plus éloignées. Membre du Hortus Botanicus Helveticus et des Jardins botaniques de France et des pays francophones, le Jardin botanique alpin de Meyrin, qui n’a pas vocation à mener de travaux scientifiques, récolte, classifie et procède en revanche à des échanges gratuits de graines et de plants avec ses semblables en Suisse et dans tout l’hémisphère nord tempéré. « Mes prédécesseurs ont commencé les récoltes de graines destinées à des échanges mondiaux dès 1967, commente le chargé de l’Environnement. Nous poursuivons la tradition et avons employé ces trois dernières années une méthode d’obtention très intéressante de patrimoine génétique ; les espèces sont en effet uniquement collectées par des spécialistes dans des milieux naturels et homogènes, excluant tout risque d’hybridation. » Lieu de promenade ouvert au public, il remplit également une mission pédagogique et didactique, car « on aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l’on aime », cite le responsable du jardin, Maurice Callendret. Le jardinier en chef transmet son savoir aux étudiants de l’HEPIA, sensibilise au travers d’ateliers, faisant peut-être éclore des vocations parmi les élèves des classes qui lui rendent visite. Les conférences, les visites guidées, les expositions sont autant de moyens pour s’approprier ce lieu hors du temps qui appartient à la collectivité. « Le patrimoine n’aura de sens culturel que s’il est reconnu comme valeur partagée au sein du groupe humain », décrivait le Dr Bernard Zumthor (ancien Conservateur cantonal et Directeur général du patrimoine à l’État de Genève et expert auprès de l’Office fédéral de la culture) à propos du patrimoine – « il sera dès lors inaliénable et imposera à la collectivité un engagement social et moral, un devoir de préservation et de défense. »