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Objectif Genève en 2020

150 ans après la naissance du Mahatma Gandhi, des marcheurs quitteront l’Inde en 2019 pour rejoindre le siège des Nations Unies à Genève, en 2020.

Cette marche intitulée « Jai Jagat », ce qui signifie en hindi « victoire du monde », veut promouvoir le message de paix, cher au Mahatma, tout en rassemblant des citoyens de nationalités différentes dans la quête d’un « modèle de développement alternatif ». « Dans chaque coin du monde grandit une même rage chez les plus marginalisés, une rage qui nourrit des conflits toujours plus violents, explique Rajagopal P. V., initiateur du projet. La campagne pour la paix globale ‹ Jai Jagat › 2020 veut élever les opprimés, pour changer leur peur en une action constructive et non violente. »

Le cadastre et le titre de propriété n’existent pas en Inde car la pratique de l’agriculture est communautaire. 

Les marcheurs traverseront 17 pays avant d’arriver fin 2020 sur la place des Nations, à Genève, où aura lieu un « Forum de l’action des peuples ». Des délégués présenteront ensuite leur cahier de doléances aux Nations Unies. Cette campagne vise à interpeller la communauté internationale sur la nécessité d’un autre modèle de développement, respectueux de l’environnement et qui ne prive pas les petits paysans de leur principale ressource, la terre, au nom du développement industriel.

Le Mahatma Gandhi

Pour les populations marginalisées, la marche est un moyen de gagner en visibilité, qui symbolise la mise en mouvement pacifique vers un but précis. Elle ressuscite les grandes marches organisées par le Mahatma Gandhi, et qui attiraient des dizaines de milliers d’Indiens au début du XXe siècle, pour combattre le joug colonial britannique. La marche « Jai Jagat » de 2020 sera pour la première fois internationale. « Nous avons conscience de la racine indienne des termes proposés, mais nous croyons qu’ils doivent résonner dans le monde d’aujourd’hui avec force. Un pays seul ne peut amener le changement », souligne Rajago-pal P. V. Les sans-terres et les marginalisés ne sont pas seulement en Inde ou dans les pays en développement, mais aussi dans les pays riches. Grâce à cette marche, surnommée « caravane de la paix », Rajagopal P. V. veut encourager le partage d’expériences. « Tous les êtres humains ont droit à la dignité ; en laissant la moitié de la planète exclue et pauvre, on crée les conflits de demain. »

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La marche des "sans-terre". Des femmes aborigènes s'apprêtent à entamer la marche "Jan Satyagraha" en 2012, à Gwalior, dans le centre de l'Inde.

Une plateforme globale

Grâce à une plateforme numérique, les associations pourront échanger entre elles et partager leurs idées. Les créateurs de la « caravane de la paix » espèrent ainsi entraîner dans leur sillage des organisations locales de plusieurs pays et endosser le rôle de catalyseur. En encourageant les initiatives locales et en leur offrant une plateforme globale, celles-ci viendront à leur tour amplifier le mouvement.

À la tête de l’organisation Ekta Parishad (qui signifie « forum de l’unité », en hindi), Rajagopal P. V. a déjà eu l’occasion d’organiser plusieurs marches. En 2007, celle de « Janadesh » ( « verdict du peuple ») a regroupé 25’000 personnes pendant presque un mois dans le nord de l’Inde. Les marcheurs, originaires pour la plupart des castes inférieures, de la communauté des intouchables ou de la population aborigène, réclamaient un droit à la terre. Une seconde marche a été organisée en 2012. Malgré une réforme agraire votée en 2014 qui protège mieux les paysans des expropriations, le mouvement Ekta Parishad réclame toujours que l’État redistribue 10% des terres du pays aux 20 à 25 millions de familles rurales qui n’en possèdent aucune. Dans un pays où la moitié de la population dépend des revenus agricoles, l’accès à la terre est souvent le seul moyen de survie. Pour les paysans sans diplôme ni argent, qui ne savent ni lire ni écrire, elle est l’unique capital, transmis de génération en génération. Or depuis que le Gouvernement indien a lancé en 2014 le plan « Make in India » pour industrialiser le pays, de nombreuses terres sont convoitées pour la construction d’usines ou d’infrastructures. Et il est difficile pour les paysans de défendre leurs droits, lorsque le cadastre n’existe même pas, ou lorsque le titre de propriété n’existe pas car la pratique de l’agriculture est communautaire. Et lorsqu’ils saisissent les tribunaux pour se défendre, les procès durent des années. Les « sans-terres » sont aussi les « sans-droits ».

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Société