Interview de Simon Reddy

Une nouvelle convention sur les droits de la mer est indispensable. De même que la création de zones protégées en haute mer.

Simon Reddy, Commission Océan Mondial Secrétaire Exécutif

Le rapport de la commission Océan Mondial est alarmant. La haute mer s’est dégradée à une vitesse effroyable. Comment en est-on arrivé là ?

Il y a 30 ou 40 ans de cela, la haute mer était protégée parce qu’elle était inexploitable. Depuis, de nombreuses technologies se sont développées qui permettent notamment de pêcher. L’autre problème, majeur, c’est que la haute mer n’appartient à aucun Etat et n’est protégée par aucun organisme international. Il existe une convention de l’ONU sur les droits de la mer mais elle a été rédigée dans les années 1960 et signée en 1982. Depuis elle n’a pas du tout évolué. Or, à l’époque, personne n’avait saisi le rôle fondamental de la haute mer notamment pour la régulation de la température terrestre.

Les stocks de poissons décroissent. Pourtant, la pêche n’a jamais été aussi intensive. Pourquoi ?

La pression démographique s’est intensifiée et, surtout, les subventions versées par les Etats les plus riches de la planète au secteur de la pêche industrielle encouragent et maintiennent une activité extrêmement nuisible à l’océan. La pêche en haute mer est principalement le fait de dix nations (Japon, Chine, Etats-Unis, pays de l’UE). Au lieu de préserver les stocks, nous faisons la chasse aux derniers poissons. Cette activité n’est pas rentable, en plus de ne pas être durable. Dans les pays riches, les consommateurs paient deux fois leur poisson : une fois en réglant leurs impôts (qui servent à subventionner la pêche) et une fois à la poissonnerie.

Des pays ont-ils adopté de bonnes pratiques pour lutter contre la surpêche ?

Il est très difficile pour un pays de faire quoi que ce soit tout seul. La haute mer appartient à tout le monde et à personne, et les poissons n’ont pas de passeport. Cependant, au cours des quatre ou cinq dernières années, la Commission européenne a pris des mesures qui vont dans le bon sens (réduction des quotas de pêche d’un pays en cas de surpêche, etc.). Il faut que d’autres puissances mondiales adoptent une politique similaire pour inverser le cours des choses.

Quels sont les déchets terrestres que l’on retrouve le plus dans l’océan ?

Le plastique en majorité. Il existe des zones de déchets plastiques dans les cinq zones océaniques. A l’échelle de la planète, la production de plastique a été multipliée par quatre entre 1980 et 2010. Certains plastiques se retrouvent dans les rivières et finissent dans la mer. D’autres sont transportés par le vent, jetés par les navires. Il faut faire en sorte que le plastique soit réutilisé et recyclé. Pour cela, les emballages doivent être conçus différemment : la réutilisation du plastique devrait être plus rentable que sa transformation en déchet.

Y a-t-il une mesure qui permettrait de stopper le déclin de l’océan radicalement ?

Oui, la création de zones protégées serait un moyen efficace de mettre un terme à la dégradation de certaines zones océaniques. Après tout, il y a bien des zones protégées sur la Terre ! Interdire la pêche en haute mer permettrait de régénérer rapidement les stocks de poissons. Cependant, c’est une mesure de dernier ressort que nous préconisons si aucune des autres mesures que nous recommandons par ailleurs (traque des bateaux pêchant en haute mer, régulation de l’exploitation minière des fonds marins, etc.) n’est appliquée d’ici à cinq ans. En priorité, il faut changer la façon dont la haute mer est gouvernée. Concrètement, il faut une nouvelle convention de l’ONU sur les droits de la mer.

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