Interview de Marie-Claude Sawerschel
-Quels sont les degrés et les classes bénéficiant de supports numériques au sein de l’école publique genevoise ?
Marie-Claude Sawerschel – Tous les degrés et toutes les classes… mais les outils et les supports numériques n’ont pas vocation à remplacer les autres supports et à s’inviter dans toutes les activités. C’est en revanche un moyen d’enrichir et de diversifier l’enseignement, afin de faciliter les apprentissages de tous les élèves.
– Voyez-vous un risque que les élèves délaissent la lecture « classique » en utilisant une tablette ou un PC ?
– Il n’y a guère de raison d’imaginer que le numérique va remplacer le papier : il y a complémentarité des usages – ni l’ordinateur ni la tablette ne sont très confortables pour la lecture, sans compter que le renvoi du passage d’un texte à un autre est assez malaisé, même sur une liseuse. On imagine mal le travail en classe sur les textes lus s’effectuer sur un support informatique. Le papier a une longueur d’avance sur bien des usages, dont celui du travail sur les textes. En revanche, l’intérêt que peut présenter une liseuse avec dictionnaire de langue intégré pourrait être pédagogiquement utile pour les lectures individuelles dans les grands degrés d’enseignement. Ce ne sont pour l’instant que des pistes de réflexion.
– À votre avis, quels sont les avantages de l’approche numérique et quels en sont les défauts ?
– Les avantages de l’approche numérique sont nombreux : accessibilité, portabilité, interfaces ludiques, travail collaboratif, adaptabilité aux rythmes individuels d’apprentissage et aux besoins spécifiques, intégration multimédia notamment. Les défauts sont liés à une certaine « illusion technophile » que les outils numériques peuvent entretenir : croire qu’un peu de technologie divertissante permettra l’économie d’enseignants chevronnés et affranchira les élèves de l’effort d’apprentissage. Ces avantages et inconvénients doivent être soigneusement réfléchis et contrebalancés. Mais quoi qu’il en soit, nous vivons dans des sociétés toujours plus numériques et l’école doit y préparer les élèves.
– Prévoyez-vous de procéder à une évaluation de la « stratégie » numérique, et le cas échéant de la modifier ?
– Pas de stratégie sans évaluation, bien entendu. Cela dit, la stratégie du numérique déclinée dans le « plan directeur du numérique » actuel, qui développe des plans d’équipement partiels et décline des projets-pilotes, devra être complétée d’une troisième partie orientée vers le curriculum des élèves : Qu’est-ce qu’on met entre les mains des élèves, de quel âge et pourquoi ? Qu’est-ce qu’on attend des connaissances en science informatique, de la maîtrise des outils et de la conscience critique de la part de nos élèves en fin de cursus, lorsqu’ils ont 18 ans, et comment est-ce qu’on construit ce parcours ? Ce sera un long travail, qui va commencer prochainement et qui mettra de nombreux interlocuteurs autour de la table. La vraie question éducative touche aux types de « savoirs numériques » que l’école doit transmettre et aux compétences qu’on doit développer chez les élèves.
Il y a complémentarité des usages.