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Interview de Jean Paul Barbier-Mueller

Un peu d’argent, de l’obstination et du travail.

Jean Paul Barbier-Mueller, Fondateur du Musée Barbier-Mueller, Genève et Barcelone

Quels sont les défis qui se posent lorsque l’on veut dynamiser une institution culturelle et accroître son rayonnement ?

Imaginons que vous soyez mandaté pour créer une succursale du Louvre, par exemple à Genève. Dans cet heureux cas de figure, vous n’aurez rien à faire. Tout le monde en parlera, même si Sharon Stone ne figure pas parmi les invités au vernis-sage. En revanche, si vous vous mettez en tête de lancer un musée local à Plougastel-Daoulas (il y en a vraiment un !), privé ou public, il ne sera jamais connu si vous ne mettez pas sur pied une belle exposition, établissant une collaboration suivie avec une vingtaine de musées importants dans le monde, qui montreront l’expo… et quelques-unes des suivantes.

Revitaliser une institution culturelle nécessite-t-il des moyens financiers importants, et quel rôle les pouvoirs publics doivent-ils jouer dans ce contexte ?

Pour reprendre le cas du musée breton, vos partenariats avec les musées étrangers vous attireront des articles dans la presse un peu partout, sans que vous ayez besoin d’investir un centime de publicité. Mais il y a une condition : il faut que votre nouveau musée s’appuie sur une collection personnelle intéressante. Si tel n’est pas le cas et que le musée doit systématiquement emprunter des œuvres, mieux vaudrait oublier le projet, qui coûterait trop cher en transport et assurances pour des pièces venant de 15 pays. Mais si comme un grand nombre d’amateurs éclairés et de connaisseurs, vous avez une belle collection même dans un seul domaine, vous aurez sûrement de quoi proposer une exposition à de bons musées et vous pourrez la « placer ». Ceux qui ne le font pas totaliseront 20 visiteurs par jour et seront inconnus au-delà des faubourgs de leur ville. Beaucoup de gens ont collectionné de façon cohérente un ou deux milliers de pièces, et savent mettre en valeur le fruit de leur passion. Notre famille a, par exemple, réuni quelque 6 500 objets liés à l’art primitif et à l’Antiquité. De façon tout à fait indépendante, mon fils aîné a réuni une collection d’armures de samouraïs – un millier de pièces en tout – et les a exposées au Musée du quai Branly (150 000 visiteurs en deux mois), à Québec, à Boston, et les exposera à Fort Worth, Chicago et Los Angeles… En Allemagne, un musée privé vient de s’ouvrir pour exposer les peintures contemporaines d’un grand collectionneur. Il faut un peu d’argent et beaucoup d’obstination.

Doit-on forcément simplifier et vulgariser le message culturel pour qu’il soit reçu ?

Comment « simplifier et vulgariser le message culturel » lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un tableau cubiste ou d’une symphonie atonale ? Il semble difficile d’amener le spectateur ou l’auditeur à se dire : « Au fond, c’est comme Ingres, respectivement Beethoven… en différent ». Pourquoi faut-il qu’un « message culturel soit reçu » de ceux qui n’ont pas été « appelés » à s’y intéresser préalablement ? Degas disait : « Il faut décourager les arts »…

Quelles sont vos motivations ? Quels conseils donneriez-vous à celui ou celle qui souhaiterait s’inspirer de votre parcours ?

Je le répète, il est nécessaire de disposer de quelques moyens, mais surtout de poursuivre une idée sans s’en laisser détourner ni se décourager. La chance, c’est le résultat du travail acharné.

Pensez-vous que l’offre culturelle soit suffisante en Suisse ?

Je crois que l’on peut répondre positivement.

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