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Interview de Hans-Ueli Tschanz

Innover, mais dans la tradition.

Hans-Ueli Tschanz, Membre de la Direction du Menuhin Festival, Gstaad

Quels sont les défis qui se posent lorsque l’on veut dynamiser une institution culturelle et accroître son rayonnement ?

L’atout essentiel de notre festival est d’avoir été fondé par Yehudi Menuhin en 1957, et notre défi est de nous montrer dignes de cette tradition, établie depuis plus d’un demi-siècle. Le magnétisme exercé par la région de Gstaad est intense, et le succès ne s’est pas démenti. Notre projet actuel est d’édifier une salle de concert, infrastructure modulable qui serait plus adaptée que notre vaste tente pouvant accueillir 2000 spectateurs, qui s’avère un peu surdimensionnée. Le festival a pris de l’ampleur en 1988, avec l’installation de la tente et l’élargisse-ment de l’offre musicale, au-delà des concerts de musique de chambre dans l’église. Les sponsors sont arrivés la même année. Récemment, nous avons lancé la Conducting Academy, sous la direction de Neeme Järvi, qui formera de jeunes chefs d’orchestre au sein du festival.

Revitaliser une institution culturelle nécessite-t-il des moyens financiers importants, et quel rôle les pouvoirs publics doivent-ils jouer dans ce contexte ?

A la différence du fonctionnement de certains pays européens ou de certains autres cantons, nous avons à Gstaad un financement mixte, provenant d’une part du Canton de Berne et de la Commune de Saanen, et d’autre part, pour un peu plus de la moitié de notre budget atteignant 4,2 millions de francs, la contribution de sponsors. La longévité et la qualité du festival, ainsi que les noms de Mehuhin et de Gstaad, forment une plate-forme valorisante pour les entreprises qui nous soutiennent.

Le public du XXIe siècle est-il différent de celui d’il y a deux ou trois décennies ?

C’est difficile à dire. Le public me paraît aujourd’hui plus jeune et plus ouvert à des œuvres de musique classique plus originales. Il y a aussi un peu plus de décontraction dans l’habillement et une ambiance plus festivalière.

Doit-on forcément simplifier et vulgariser le message culturel pour qu’il soit reçu ?

Le public a changé, mais fondamentalement, il apprécie la musique de la même manière, et son effectif reste stable. Ce sont des amateurs et ils apprécient que nous innovions, dans le cadre de la tradition du festival.

Quelles sont vos motivations ? Quels conseils donneriez-vous à celui ou celle qui souhaiterait s’inspirer de votre parcours ?

Le plus important est l’équipe, le team du festival est formidable, fantastique, et bien qu’il y ait une part de renouvellement régulier, nous sommes nombreux à travailler ensemble depuis des années et à y prendre un plaisir stimulant. Il faut évidemment toujours avancer, innover, améliorer et conserver ce succès qui nous encourage. Naturelle-ment, dans notre spécialité, il faut aimer la musique classique et ne pas rechercher des horaires de bureau. Il convient aussi d’apprécier la rencontre avec des artistes de haut niveau, qui ont des personnalités parfois marquées ! Si l’on se sent porté par l’atmosphère d’un festival, alors on est sûr de s’épanouir et de réussir.

Pensez-vous que l’offre culturelle soit suffisante en Suisse ?

A mon avis, il y a probablement trop d’offres dans certains domaines ! Chaque année naissent par exemple de nouveaux festivals, de nouvelles manifestations qui ne s’appuient pas sur une tradition, mais sur une idée passagère. Parfois, ils disparaissent au bout d’un ou deux ans, et d’autres surgissent. Le problème, que nous venons d’évoquer, est que le nombre d’amateurs est assez constant et que le public finit par se disperser. En outre, cela favorise une surenchère dans le recrutement d’artistes connus, un peu comme dans le secteur du tennis : les musiciens les plus demandés s’arrachent, et les finances en souffrent.

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