Interview de Pierre Spierer

Une qualité d’enseignement reconnue à l’étranger, méconnue en Suisse.

Pierre Spierer, Vice-recteur de l’Université de Genève

1. Pensez-vous que la qualité de l’enseignement, notamment universitaire, soit toujours excellente en Suisse ?

Oui, la qualité est excellente. Cette qualité est largement reconnue à l’étranger ; elle reste un secret bien gardé en Suisse. La qualité de l’enseignement supérieur est indissociable de l’activité de recherche des enseignants. Les classements publiés aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Chine et ailleurs placent les grandes universités suisses dans les 1 % à 2 % des meilleurs établissements académiques du monde. Plus précisément, les Universités de Zurich, Genève et Bâle, ainsi que les Ecoles polytechniques, figurent dans le premier pour cent.

2. Quel est le poids du « label suisse » à l’étranger, en matière d’études ? Est-il reconnu à sa juste valeur ?

Le label suisse est très bien reconnu dans le monde et, je le répète, paradoxalement un peu moins en Suisse. Le monde est peuplé de personnalités éminentes qui ont étudié en Suisse.

3. Les taxes universitaires suisses ou les écolages d’institutions de formation sont-ils suffisamment élevés, en comparaison internationale ?

En Suisse, les universités sont cantonales ou fédérales. Le coût de la formation est essentiellement à la charge des cantons et de la Confédération. Les taxes et écolages ne représentent donc qu’une part minime du coût réel de la formation. Cette quasi-gratuité de la formation permet l’accès aux études supérieures à tous. Si l’accès est facile, les exigences sont fortes et la sélection en fin de première année sévère, dépassant souvent les 50 %. Ce serait donc une erreur grossière de croire que le prix d’écolage payé par l’étudiant reflète la qualité de l’enseignement prodigué. Les universités se sont aussi engagées dans la formation des adultes en activité professionnelle, dite formation continue, qui constitue un besoin dans une société en mutation rapide. Cette formation est payante, même si certains coûts, notamment d’infrastructure, ne sont pas couverts par les écolages, ce qui explique un tarif souvent inférieur aux formations privées. Le nombre de participants à une formation continue, à l’Université de Genève, a explosé ces dix dernières années, passant de 1 000 à 10 000. La qualité des formations est assurée par la participation des professeurs de l’Université. Un aspect un peu moins réjouissant est celui des locaux de l’Etat, qui ne sont pas toujours entretenus et rénovés de manière adéquate. Mais la matière grise est là.

4. Les pouvoirs publics fédéraux et cantonaux en font-ils assez pour promouvoir l’excellence de la formation helvétique à l’étranger ?

Non, mais est-ce là leur mission ? Les universités suisses sont bien reconnues à l’étranger ; elles ont un nombre important d’étudiants et de professeurs étrangers. C’est une richesse reconnue pour nos universités, puisque la proportion d’étudiants et de professeurs étrangers est un critère dans les classements internationaux.

5. Quels sont les avantages et les défauts d’une formation en Suisse, pour un étranger ?

J’y vois deux avantages. Le premier est le « label » suisse, le second est la proportion importante d’étudiants et de professeurs de toutes nationalités. Cette diversité culturelle, qui n’existe dans aucun des pays voisins, est peut-être à l’origine des succès internationaux d’anciens étudiants, tels Kofi Annan ou José Manuel Barroso. Le risque serait un certain isolationnisme de la Suisse, et son absence des grands réseaux internationaux de formation et de recherche. Heureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui. La Suisse participe aux programmes européens avec beaucoup de succès.

Rubriques
Société