Interview de Philippe Gudin

La seule formation réellement internationale est suisse !

Philippe Gudin, Directeur de l’Institut Le Rosey à Rolle

1. Pensez-vous que la qualité de l’enseignement, notamment universitaire, soit toujours excellente en Suisse ?

Sans aucun doute, ce qui est d’autant plus remarquable si l’on songe à la taille de notre pays. Les établissements universitaires suisses sont exceptionnels, à commencer par les Ecoles polytechniques, et la Suisse se situe dans le peloton de tête aussi bien en matière d’enseignement que de recherche. Cela est notamment dû, à mon avis, au fait que les étudiants qui fréquentent les universités sont ceux qui s’y trouvent vraiment à leur place ; on ne décrète pas, comme dans d’autres pays, que 95 % d’une classe d’âge doit suivre une formation académique. Les autres filières, de l’apprentissage aux écoles techniques, sont aussi valorisées et respectées. Or la qualité d’un enseignement, c’est aussi celui des élèves, et la vision traditionnelle fonctionne ici très bien : l’accès est ouvert à tous, mais seuls les motivés et les qualifiés réussissent.

2. Quel est le poids du « label suisse » à l’étranger, en matière d’études ? Est-il reconnu à sa juste valeur ?

Il reste reconnu, malgré quelques « coups de canif » reçus çà et là. En Suisse, on s’inquiète de la dégradation de l’enseignement public primaire, voire secondaire. C’est partiellement injustifié au sujet des maths, des sciences et des langues vivantes. En revanche, le français devient un vrai problème. L’esprit de synthèse, la concentration, la clarté d’esprit me semblent en recul. A l’étranger, on reconnaît, notamment en ce qui concerne le secondaire et l’université, l’image de qualité, de sécurité, de goût du travail bien fait et d’ouverture sur les autres pays, autant de valeurs propres à la Suisse. Ni en France, ni dans les pays anglo-saxons, ni autre part, on ne trouve cette indépendance d’approche culturelle. Il faut garder cette particularité, ne pas se laisser aller à imiter par exemple l’approche latine, germanique ou anglo-saxonne seulement.

3. Les taxes universitaires suisses ou les écolages d’institutions de formation sont-ils suffisamment élevés, en comparaison internationale ?

C’est un bon sujet de réflexion. Peut-être le cursus vers certains diplômes très prestigieux pourrait-il être un peu plus cher. La distinction « financière » entre Suisses et étrangers est difficile à défendre, au niveau des Ecoles polytechniques notamment. Mais si les taxes augmentent, il faudra absolument développer le principe des bourses d’études pour étudiants de condition modeste.

4. Les pouvoirs publics fédéraux et cantonaux en font-ils assez pour promouvoir l’excellence de la formation helvétique à l’étranger ?

Non, mais ce n’est pas grave ! Nous avons créé il y a quelques années Swiss Learning, association de douze grands internats, de deux grandes écoles hôtelières et de toutes les universités publiques et écoles polytechniques pour promouvoir par des événements à l’étranger l’image de l’enseignement suisse. Cela marche très bien.

5. Quels sont les avantages et les défauts d’une formation en Suisse, pour un étranger ?

La vraie, la seule formation réellement internationale est en Suisse !Nous ne pratiquons pas le « formatage » productiviste ou nationaliste qui est trop souvent constaté dans les grands pays. Se former en Suisse, c’est réaliser une synthèse entre les conceptions académiques latines et anglo-saxonnes. Aujourd’hui, à l’heure du « village global », beaucoup de pays émergents recherchent autre chose qu’un modèle culturel rigide, par exemple à l’américaine. Il nous faut donc saisir cette chance et ne pas perdre notre âme !

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