Interview de Philippe Gillet

L’incroyable capacité d’innovation helvétique est sous-estimée.

Philippe Gillet, Professeur, Vice-président en charge des affaires académiques, de la recherche et de l’enseignement à l’EPFL

1. Pensez-vous que la qualité de l’enseignement, notamment universitaire, soit toujours excellente en Suisse ?

L’image dont bénéficient à l’étranger les universités suisses, l’enseignement supérieur et de la recherche est excellente. Cela est justifié, mais il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers ; des progrès sont toujours possibles et nécessaires, en termes de travail personnel des étudiants, de groupes de projet plus resserrés, de transmission encore plus efficace du savoir. L’univers académique suisse ne doit pas craindre d’expérimenter des méthodes lui permettant de nouvelles avancées.

2. Quel est le poids du « label suisse » à l’étranger, en matière d’études ? Est-il reconnu à sa juste valeur ?

Ce « label » est très respecté. A titre d’exemple, les diplômes délivrés par l’EPFL sont automatiquement reconnus, depuis longtemps, par la Commission du titre d’ingénieur en France. Le système d’enseignement et de recherche, y compris dans des domaines considérés comme les fleurons d’autres pays (mathématiques, sciences, etc.), est considéré comme très performant, et cette estime couvre toute la chaîne éducative, y compris la formation professionnelle en alternance, les filières techniques, etc. Ce qui est sous-estimé, en revanche, c’est l’incroyable capacité d’innovation helvétique. Là, il y a un déficit de communication à l’extérieur du pays ; seuls les initiés savent que la Suisse est en tête de l’innovation et de la haute technologie en Europe. L’EPFL est en tête du combat pour que cela soit mieux connu.

3. Les taxes universitaires suisses ou les écolages d’institutions de formation sont-ils suffisamment élevés, en comparaison internationale ?

La Suisse, je m’en rends compte tous les jours, n’a rien de traditionnel, dans le sens limitatif du terme. Les universités, ici, sont différentes de celles des Etats-Unis, qui fonctionnent sur un modèle privé. Là-bas, les écolages sont très onéreux, mais le système d’appui et de bourses est si développé que seule une minorité d’étudiants paient eux-mêmes le montant de leurs taxes universitaires. Ici, il y a des écolages faibles, mais si on les augmentait, il faudrait élaborer un système d’aide financière aux étudiants beaucoup plus étendu, afin d’éviter toute injustice sociale.

4. Les pouvoirs publics fédéraux et cantonaux en font-ils assez pour promouvoir l’excellence de la formation helvétique à l’étranger ?

En Suisse, à l’inverse de bien d’autres pays, on a eu le courage et l’intelligence politiques de ne pas couper les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y a une volonté de faire des universités des institutions toujours plus performantes. Et les innombrables visites que nous recevons à l’EPFL, où des collègues du monde entier viennent chercher la recette du succès, montrent que ce choix est le bon, qu’il est même essentiel pour la Suisse.

5. Quels sont les avantages et les défauts d’une formation en Suisse, pour un étranger ?

Venir étudier en Suisse, c’est disposer des moyens de réussir ses études : l’environnement, les enseignants, les programmes… Les inconvénients ? Minimes : l’éloignement de sa famille, les questions de permis et de logement. Les étrangers ont intérêt à venir étudier ici, et la Suisse à les accueillir. Quand ils rentrent chez eux, ce sont ses plus enthousiastes ambassadeurs ; et si les meilleurs d’entre eux restent, ils viennent contribuer au niveau d’excellence et de compétitivité dont ce pays est légitimement fier.

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