Interview de François Garçon

Ceux qui ignorent encore le label suisse ne comptent pas.

François Garçon, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

1. Pensez-vous que la qualité de l’enseignement, notamment universitaire, soit toujours excellente en Suisse ?

C’est peu dire que la qualité de l’enseignement supérieur suisse est excellente. Dans les deux classements internationaux qui comptent, celui de Shanghai et celui du Times Higher Education, l’EPFZ vire en tête devant tous les établissements de la planète, dans la foulée directe des universités de recherche américaines et d’une grosse grappe d’universités britanniques qui surplombent la course. Les Universités de Bâle, Zurich, Genève, Lausanne et l’EPFL boxent avec les meilleurs au niveau mondial. Les enseignements supérieurs en Italie, en Espagne, en France sont en coma dépassés, et l’Allemagne végète.

2. Quel est le poids du « label suisse » à l’étranger, en matière d’études ? Est-il reconnu à sa juste valeur ?

Le label suisse est reconnu par les établissements qui comptent et qui savent que la course se fait aujourd’hui au plan mondial. Ceux qui ignorent encore le label suisse en matière d’études supérieures, label qui a été porté à la connaissance publique de manière peu contestable en 2003 et qui, depuis, n’a jamais été dégradé, ne comptent pas. Soit ces ignorants sont à la tête d’établissements déclassés dans des pays jouant en seconde division et, faute de résultats, ils ricanent ; soit, étudiants, ils ne le sont que pour avoir une carte donnant droit à des réductions à la caisse des salles de cinéma. Ni ces établissements affublés de ce type de présidents, ni ces étudiants échoués dans les amphithéâtres ne comptent vraiment.

3. Les taxes universitaires suisses ou les écolages d’institutions de formation sont-ils suffisamment élevés, en comparaison internationale ?

Les droits d’écolage sont bas, comparativement à ceux facturés par les établissements nord-américains et, à compter de la rentrée 2011, par les établissements britanniques. Ils sont étonnamment bas, eu égard à la formation proposée. Il est clair que les études supérieures sont un coût facturé à la collectivité, au même titre qu’elles sont un formidable investissement pour le pays. En Suisse, il conviendrait d’instaurer un système de « voucher », proposé à tous les étudiants. Ce système leur permettrait de payer des études de niveau nettement plus élevé en leur offrant une possibilité de remboursement de ce prêt sous conditions de ressources et sur quinze ans, sans intérêts. Le problème de l’enseignement supérieur suisse n’est pas tant sa gratuité, en effet, que l’inexistence complète de bourses d’études. Quand une collectivité propose un produit d’excellence, elle doit pouvoir le facturer à un prix conséquent, tout en imaginant des moyens le rendant accessible à ceux qui le méritent. Sur ce plan, la Suisse a des efforts à faire. En matière de financement des études supérieures, la ladrerie est un mauvais calcul : c’est dans les laboratoires et dans les amphithéâtres que s’entretient la richesse présente du pays et que se bâtit sa prospérité future.

4. Les pouvoirs publics fédéraux et cantonaux en font-ils assez pour promouvoir l’excellence de la formation helvétique à l’étranger ?

La promotion de l’enseignement supérieur, quand il est excellent comme en Suisse, peut se passer de soutiens publics. Les classements internationaux, désormais largement diffusés dans les médias nationaux – qui s’en réjouissent ou s’en désolent –, sont les meilleurs supports promotionnels de l’enseignement supérieur suisse.

5. Quels sont les avantages et les défauts d’une formation en Suisse, pour un étranger ?

Sitôt que l’étudiant n’est pas habitant du canton où il fait ses études supérieures, il est de fait rangé parmi les étrangers. Hormis le permis de séjour, tous les étudiants hors canton sont mis sur un plan d’égalité : étrangers et Suisses non résidants du canton doivent faire face à des dépenses incompressibles de l’ordre de 1 500 francs suisses par mois, qui se ventilent en logement (électricité, chauffage, assurances), déplacements, nourriture, frais divers (blanchisserie, produits d’entretien, etc.), que n’ont pas à supporter les étudiants originaires du canton et résidant généralement chez leurs parents. Là est le principal écueil pour les étudiants. Parmi les avantages, la valeur du diplôme, officiellement validée par les classements internationaux, est sans doute le meilleur.

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