Indispensables inconnus

En démocratie, l’équilibre et la stabilité sont des vertus cardinales. L’égalité des chances et des droits s’accommode mal de l’émergence d’un « homme providentiel » – qui peut aussi être une femme – et comme on le dit familièrement, « on n’aime pas trop les têtes qui dépassent ». D’ailleurs, un système bien conçu ne devrait-il pas fonctionner harmonieusement, sans nécessiter de héros ou d’héroïne ?

Et pourtant ! Les exemples sont multiples, qui montrent le sauvetage de telle ou telle institution vouée à la perdition, le renversement d’une situation désespérée, grâce à l’intervention déterminante d’une seule personne. Citons Andy Byford, vrai manager-pompier qui a redressé avec succès le calamiteux métro new-yorkais. La Metropolitan Transportation Authority, ce n’est pas rien : plus de 70’000 employés pour un chiffre d’affaires annuel dépassant 15 milliards de dollars. Byford, qui a réorganisé ce géant malade, a gagné au passage le surnom affectueux de « Train Daddy », tant la population lui en était reconnaissante. La Française Rose Valland, conservatrice de musée pendant la Deuxième Guerre mondiale, a, quant à elle, enregistré méthodiquement toutes les oeuvres spoliées par les nazis, communiquant avec la Résistance pour que les trains au précieux chargement ne soient pas dynamités et favorisant les restitutions d’après-guerre.

Ces hommes et ces femmes providentiels peuvent aussi être des inventeurs en avance sur leur temps, comme John Hetrick, inventeur de l’airbag de voiture en… 1952 (le brevet ne sera exploité que près de quarante ans plus tard) ! Comment oublier Hedy Lamarr : certains savent encore quelle actrice flamboyante elle fut, mais presque tous ignorent que la star a co-inventé un système de téléguidage de torpilles (dont l’utilisation, là encore, attendra des décennies).

On sait que par des temps troublés, certains êtres humains a priori inoffensifs peuvent se muer en bourreaux sanguinaires ou en exécutants serviles de noirs desseins. Mais donnons, le temps d’un dossier, place à une évocation positive, avec un hommage mérité à celles et à ceux qui, chacun à sa façon, ont contribué à ce que notre monde soit meilleur.