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Airbnb : menace ou opportunité ?

Environ 3 millions. C’est le nombre de nuitées que la société américaine Airbnb génère en Suisse chaque année. En période de pénurie de logements, ce succès insolent n’est pas du goût de tout le monde.

La forte croissance du site de location d’appartements est une évidence mondiale. En Suisse, plus de 35’800 objets sont pro-posés. De Genève à Sion, en passant par Berne ou Lucerne, le nombre de biens loués explose chaque année. Directement concurrencés, les hôteliers ne manifestent pas spécialement leur irritation envers la plateforme. Ils préfèrent s’attaquer aux utilisateurs. « Notre problème n’est pas Airbnb, car les hôteliers l’utilisent aussi et il ne s’agit que d’une technologie, nuance Phi-lippe Thuner, président de l’Association romande des hôteliers. Ce qui nous embête plutôt, c’est l’utilisation qui en est faite par certains qui louent des dizaines de chambres. On assiste à  l’industrialisation d’une activité qui devrait rester accessoire pour les particuliers. De plus, ces derniers ne paient souvent pas de taxe de séjour ni d’impôts sur ces locations. » Les milieux immobiliers, eux, sont encore plus remontés. À juste titre, ils précisent que la plateforme Airbnb soustrait certains biens à  la location. D’autant que ce type de location est devenu un business juteux pour certains propriétaires qui peuvent ainsi maximiser leurs marges en louant leur appartement à la journée ou à la semaine.

Réactions politiques

Il suffit de se balader sur le site pour constater que certains utilisateurs contournent sa vocation première en proposant des dizaines de logements. Dès lors, une question se pose : comment encadrer ce succès de la plateforme américaine ? Zoug est le premier canton à avoir signé une convention avec l’entreprise de location. Grâce à cet accord, les taxes de séjour sont directe-ment prélevées par Airbnb pour le compte de Zoug Tourisme. Les autres cantons négocient âprement afin d’obtenir un statut identique. À Genève, en plus de ces discussions d’ordre pécuniaire, une modification réglementaire est entrée en vigueur en avril 2019. Elle empêche de louer son appartement plus de 90 jours par année. Même s’il a fallu attendre de nombreuses années, ces décisions démontrent que l’encadrement sera dorénavant plus strict. Limitant ainsi la concurrence déloyale à laquelle doivent faire face régies et hôteliers.

Une insolente croissance peu encadrée en Suisse

La plateforme de réservation Airbnb grossit année après année en Suisse. Les derniers chiffres communiqués par le géant américain démontrent sa croissance fulgurante. En un an, environ 900’000 personnes ont réservé un logement sur le site. Les touristes étrangers sont claire-ment majoritaires puisqu’ils représentent 78% des réservations. Les visiteurs en provenance des États-Unis (135’000 hôtes), de France (81’100), d’Allemagne (77’900), de Grande-Bretagne (60’900) et du Canada (31’000) complètent le haut du tableau. Par région, l’Europe (551’000 personnes), l’Amérique du Nord (154’600) et l’Asie (125’000) se taillent la part du lion. Dans le même temps, malgré la pression du secteur hôtelier, la surveillance d’Airbnb tarde à se mettre en place. Un exemple ? En mars 2018, le canton de Genève annonçait fièrement l’interdiction de louer son logement plus de 60 jours par an via des plateformes de type Airbnb. Cette modification réglementaire devait enfin permettre de faire la chasse aux fraudeurs. En fait, il s’agissait davantage d’un pétard mouillé car aujourd’hui la tolérance des autorités va jusqu’à 90 jours de location par année. Et les moyens de surveiller cette limite sont toujours insuffisants. Dans la pratique, les fraudeurs coulent encore des jours heureux puisque la stratégie genevoise repose sur la simple dénonciation. En d’autres termes, aucun inspecteur n’est en poste pour contrôler les locations sauvages.

Comme le confirme le Département du territoire (DT) : « Genève ne dispose pas d’une brigade spéciale dévolue à effectuer des contrôles proactifs. Certaines villes européennes ont ce genre de brigade, mais il en ressort que sur le grand nombre de contrôles effectués, très peu de cas d’abus sont répertoriés. Il y a donc de gros moyens financiers et humains mis en place pour finalement très peu de résultats. À ce jour, nous avons reçu moins d’une dizaine de dénonciations qui sont suivies par nos services. » Pourtant, une solution existe. Elle a été développée dans le canton de Vaud par la société pilierpublic.com. Son principe est simple : « Notre système envoie un message d’alerte à chaque client pour lequel au moins une nouvelle sous-location est proposée, précise Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur de pilierpublic.com. Le lien contenu permet de consulter d’un clic la page des détails de la sous-location, et d’un clic supplémentaire l’annonce originale sur le site Airbnb où les photos servent de confirmation avant de contacter le locataire et de prendre les mesures adéquates. » Avant d’ajouter : « En novembre dernier, j’ai personnellement informé le canton de Genève de l’existence de notre solution. Pour l’instant, je n’ai reçu aucune sollicitation pour un essai gratuit et sans engagement. »

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