Des enfants québécois motivés

Mirage ou progrès technologique ? En 2010, les premières tablettes numériques faisaient leur entrée sur les bancs d’école. Sept ans plus tard, elles sont devenues le compagnon de classe de plus de 70 000 élèves québécois.

Dans bien des écoles, les livres numériques ont détrôné les livres papier. Au sein de 103 écoles primaires et de 128 collèges privés du Québec, la formule « un appareil, un élève » a maintenant « le vent dans les voiles », affirme Normand Brodeur, directeur du développement pédagogique à la Fédération des établissements d’enseignement privés du Québec (FEEP).

Enseignante au Collège Jean-Eudes, Marie-Claude Gauthier jure qu’elle ne s’en passerait plus. « Cela force les élèves à s’impliquer en classe et à collaborer entre eux. Grâce à la rétroaction, ils savent tout de suite leurs notes et s’ils ont bien compris la matière », dit elle. Non seulement elle peut suivre à la trace sur sa propre tablette ce que fait chaque élève de sa classe en temps réel, mais l’arrivée de cet outil lui permet aussi d’adapter les apprentissages en fonction de la progression de chacun.

Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information (TIC) et professeur à l’Université de Montréal, déplore la polarisation des débats sur la place du numérique à l’école. « Certains accordent une importance démesurée au numérique. Et ceux qui sont contre jouent à l’autruche, car le cellulaire est déjà présent dans les classes de toute façon. Ces technologies ne peuvent plus être honnies de l’école. Nous devons former les citoyens de demain, tout en restant pleinement conscients des avantages et des défis posés par ces nouveaux outils. » En 2013, ce chercheur a interrogé 300 enseignants et 6000 élèves de niveau primaire, et filmé des classes entières utilisant le numérique. Conclusion ?

Plus motivés, mais plus distraits

L’expérience démontre que les élèves, séduits par la tablette, sont plus motivés en classe et peaufinent davantage leurs travaux scolaires. L’outil accroît aussi la collaboration entre les jeunes et bonifie leur expérience de lecture avec des contenus enrichis. À Montréal, l’arrivée des outils numériques a fait bondir les présences en classe. De 7 à 12%, le taux d’absentéisme dans certaines écoles a dégringolé à 3%. Ne serait-ce que pour cela, plusieurs d’entre elles sont prêtes à vouer un culte aux écrans de tout acabit. Mais derrière ce qui semble être un petit miracle, Thierry Karsenti émet un bémol, car la distraction engendrée par la gestion de ce joujou ajoute au fardeau des enseignants. « Les tablettes permettent facilement aux élèves de faire bien autre chose que d’écouter l’enseignant ! », dit-il.

Pas de miracle

Pour ce chercheur, l’efficacité de ces nouvelles technologies dépend grandement de la capacité des enseignants à en tirer le meilleur parti. En sus, rien n’indique encore que l’approche numérique, malgré son pouvoir motivant sur les élèves, ait un effet marquant sur les résultats scolaires.

Comme la majorité des élèves dotés de tablettes étudient dans des collèges privés où les résultats dépassent largement la moyenne, difficile de connaître l’impact réel de ce compagnon numérique sur « l’élève moyen ».

Ces technologies ne peuvent plus être honnies de l’école.

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