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Histoire du label qui veut sauver la Terre

Parce qu’il est le seul à proposer une économie circulaire où tout ce qui est produit peut potentiellement être recyclé et revalorisé indéfiniment, le concept Cradle to Cradle® pourrait dans les années à venir faire jurisprudence dans toutes les filières industrielles.

Le fondateur et PDG d’EPEA Switzerland GmbH (Encouragement de l’agence de protection de l’environnement), Albin Kälin, sillonne la planète environ 260 jours par an pour mener campagne sur les vertus écologiques, économiques et sociales du modèle Cradle to Cradle (du berceau au berceau) auprès d’industriels de tout poil (textile, mobilier, santé, construction, etc.). Un empêcheur de tourner en rond, maugréent une poignée d’entre eux. Paradoxal pour quelqu’un qui prône une économie circulaire, non ? Bref, loin d’être un zélote écologiste, cet industriel textile de profession se considère plutôt comme un partenaire de l’industrie, conscient qu’un changement de pratique ne peut s’opérer que si le choix est délibéré, mûrement réfléchi et guidé. « Notre mission est d’informer et d’accompagner le client dans le développement d’un produit éco-conçu économique-ment viable ; une fois le prototype réalisé, il est libre de choisir la certification C2C (ndlr : bronze, argent ou or) ou pas », précise-t-il. Et il sait de quoi il parle, lui qui a œuvré à la mise au point du « Climatex » alors qu’il était directeur général de Rohner Textil (aujourd’hui Gessner Ag), le premier tissu d’ameublement au monde certifié C2C en 1993. Reconnu pour ses qualités tech-niques et durables exceptionnelles, il recouvre notamment les sièges des Airbus A380. Environ 6’000 produits dans le monde ont reçu ce label dont une centaine décernés en Suisse. « Notre mission procure un plaisir immense en dépit de la difficulté et de l’énorme travail qu’elle demande. Soyons honnête, la situation de l’industrie n’est pas très favorable, très réglementée, elle fait face à beaucoup de difficultés. Mais nous sommes dans une période de transformation, transitoire, dans quinze ans nous aurons passé ce cap », affirme, confiant, Albin Kälin qui rêverait désormais de voir l’écologie inscrite au programme de tous les écoliers.

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À gauche : Retour des matériaux dans la biosphère sous forme de nutriments. À droite : Retour des matériaux dans la technosphère sous forme de matière première. Source : www.epeaswitzerland.com

Quand le déchet devient ressource

Le crédit que nous avons conjointement contracté auprès de la Terre pourrait nous être fatal si nous ne changeons pas très vite nos modes de production et de consommation. Pensé et défini dans les années 1990 par le professeur Michael Braungart, le fondateur en 1987 d’EPEA International, et l’architecte américain William McDonough, le mouvement Cradle to Cradle s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire optimale, régie par trois principes fondamentaux : déchets = nourriture, utilisation d’énergies renouvelables et respect de la diversité. Avec ce concept, les déchets engendrés sont sources de nourriture pour la biosphère ou à défaut sont réexploités indéfiniment dans la fabrication de nouveaux produits dans la technosphère. Alors oui, « rien ne se perd, tout se transforme » à condition que les composants soient dissociables, sains et qu’il n’y ait aucune déperdition de qualité de la matière première dans ce cycle fermé.

Un tee-shirt dans le potager

L’industrie du textile est le sujet de prédilection d’Albin Kälin. Partisan d’une chimie respectueuse de l’environnement, il a à cœur de développer depuis vingt-cinq ans des colorants réactifs (VAT) et des teintures synthétiques écologiques. Ces produits chimiques d’avant-garde, bien que distribués par trois fournisseurs, ne sont aujourd’hui employés que par 2% de l’industrie textile, qui ne possède pas encore les machines adéquates pour leur utilisation. Néanmoins de belles avancées sont porteuses d’espoir. Après cinq années de recherche conjointe avec Wolford, les premiers sous-vêtements recyclables et compostables de la marque ont vu le jour en 2018 et reçus la certification C2C dans la catégorie OR, faisant d’elle « la seule entreprise globale qui ait fermé le cycle biologique et technologique, s’enthousiasme Albin Kälin. Nous avons développé un procédé rentable avec un compostage industriel exempt de produits chimiques ; l’humidité et les bactéries font tout le travail. Pour résumer, avec ce procédé on obtient, d’un côté, du biogaz et, de l’autre, de l’humus utilisable comme fertilisant pour les sols. Appliqué à l’échelle planétaire, ce serait très utile pour compenser la perte de la biomasse ! » D’autres applications sont déjà à portée de main des consommateurs : linge de lit et rideaux biodégradables chez Pfister, tee-shirts à base de fibres de bois et compostables dans son jardin signés Calida ou mobilité partagée avec la BICAR électrique présentée au Salon de l’automobile de Genève en 2019, le tout certifié Cradle to Cradle bien sûr !