Conjurer l’obsolescence réglementaire

Il ne fait aucun doute que la pandémie a temporairement rendu moins attractive la vie en ville. Cela ne semble néanmoins pas de nature à renverser durablement la tendance de fond, qui est bien celle d’une croissance vertigineuse de la population urbaine : celle-la représentait 15 % des humains en 1900, 34 % en 1960 (un milliard) et 56 % (plus de quatre milliards) en 2019, avec un incessant mouvement à la hausse.

Cette évolution, couplée aux mutations technologiques, stimule la créativité des architectes : fermes verticales, villes flottantes, self-sufficient cities, les propositions sont multiples pour rendre la ville de demain plus harmonieuse et plus équilibrée comme l’illustre le dossier de ce numéro d’Immorama. Simultanément, la frontière entre espace de travail et espace de vie résidentielle s’estompe. Comme le sociologue François Bellanger l’annonçait depuis quelques années déjà (soit bien avant l’apparition du télétravail quasi obligatoire) : « Mon bureau se situe là où je me trouve avec mon ordinateur portable, et cela peut bien sûr être chez moi ou même à une terrasse de bistrot.» Voilà qui souligne le retard colossal de nos règles d’urbanisme et d’aménagement du territoire, qui imposent toujours des affectations rigides et mutuellement exclusives, parfois même immuables de par la loi (« bureaux » ou « logements »), là où il faudrait désormais un peu de souplesse inclusive.

Une ville ressemble à un animal. Elle possède un système nerveux, une tête, des épaules et des pieds. Chaque ville diffère de toutes les autres : il n’y en a pas deux semblables. Et une ville a des émotions d’ensemble.

John Steinbeck, Écrivain

Genève, prenant conscience de la porosité de la frontière entre activités tertiaires et industrielles, a su instaurer la zone industrielle mixte ; il lui reste à faire le pas en ce qui concerne les logements et les bureaux. Un nouvel élan qualitatif dans l’urbanisation dépend donc de notre capacité à adapter des règles héritées d’un autre temps. Puissent nos autorités en prendre rapidement conscience !

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