Les villes, mines du futur

Brique de lait et chargeur de téléphone portable ont un point commun : ils contiennent des métaux valorisables. Les ressources naturelles s’épuisant, on cherche à les récupérer au lieu de les extraire au bout du monde. Cette tendance s’appelle le city mining.

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Recycler les métaux, précieux ou non, préserve l’environnement. © Igora
Recycler les métaux, précieux ou non, préserve l’environnement. © Igora

Dans ces « mines urbaines », contrairement à leurs cousines naturelles, la concentration de métaux est plus faible. De plus, ces derniers sont dispersés dans des objets composites, fabriqués à base de différents matériaux collés ou assemblés. « Pour les récupérer, il faut décomposer ces objets. Or ils ne sont généralement pas conçus pour être désassemblés facilement, ce qui complique le recyclage », explique Yves Leterrier, du Laboratoire de mise en œuvre des composites à haute performance (LPAC) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Car pour retourner sur le circuit des matières premières, les matériaux doivent être les plus purs possible. Or il est rare qu’on les emploie sans les mélanger. Il en va ainsi de l’aluminium, un métal que l’on trouve un peu partout et qui, heureusement, se récupère et se recycle sans problème. On ne l’utilise jamais seul, car il est trop mou. « Même les canettes sont fabriquées dans deux alliages différents. Un, solide, constitue le corps de l’objet. Pour le couvercle, on en emploie un autre, plus flexible, car on doit pouvoir briser l’opercule. Lorsque l’on fond une canette, il en résulte un alliage intermédiaire qui ne fonctionne pour aucun de ces deux usages. Il faut donc y ajouter de l’alu pur jusqu’à obtenir l’alliage souhaité », explique Yves Leterrier. Le jeu du recyclage en vaut-il vraiment son pesant de CO2 ? « Recycler l’alu permet d’économiser 95% de l’énergie nécessaire à le fabriquer à partir de la bauxite. Car pour l’extraire, il faut retirer des atomes d’oxygène de l’oxyde, et cette opération est extrêmement énergivore », précise Yves Leterrier. Et d’ajouter que, pour préserver l’environnement, il vaut la peine, la plupart du temps, de récupérer et de recycler les métaux, l’opération étant moins coûteuse en CO2 et moins polluante que l’extraction à partir de minerais.

 Recycler l’alu permet d’économiser 95% de l’énergie nécessaire à le fabriquer à partir de la bauxite. 

Des métaux précieux dans nos poubelles

On l’a vu, l’alu ne se trouve pas uniquement dans les canettes de boissons gazeuses. Il se niche dans une foule d’autres matériaux composites qui n’achèvent pas leur existence dans le conteneur ad hoc, mais à la poubelle. Aujourd’hui, les technologies permettent de récupérer une bonne part des métaux précieux qui se cachent dans les résidus des usines de traitement thermique et de valorisation des déchets (UTVD). La combustion des ordures, qui génère de l’énergie sous forme d’électricité et de chaleur, laisse un résidu correspondant à 15-20% de la masse originale. Celui-ci doit, à son tour, être stocké ou traité. Et il vaut de l’or, car il recèle notamment de l’aluminium, ainsi que d’autres métaux comme le cuivre, l’acier ou le plomb. Aujourd’hui, on sait récupérer ces précieux éléments sous des formes de plus en plus infimes, grâce à des processus de plus en plus complexes. Aux Cheneviers, à Genève, on récupère les mâchefers, les résidus demeurant dans le four après incinération : « Les 230’000 tonnes de déchets que nous incinérons produisent environ 35’000 tonnes de mâchefer. Après traitement, nous récupérons 3’000 tonnes de métaux ferreux et 1’000 tonnes de non ferreux par an », détaille Thierry Gaudreau, directeur du site. À cet effet, l’usine dispose de deux types de machines. Le site produit en outre d’autres résidus, notamment 2’000 tonnes de cendres volantes par an, récupérées dans des électrofiltres. Pour le moment, elles sont lavées et mises dans une décharge spéciale. Un projet de récupération des métaux qu’elles contiennent existe en Suisse. À Hinwil, dans le canton de Zurich, une usine est équipée pour récupérer, entre autres, le zinc. À l’arrivée, la pureté du métal avoisine les 99,9%. « Une ou deux installations de ce genre dans tout le pays suffiraient à traiter la totalité de nos cendres volantes », sou-ligne Yves Leterrier. Le site zurichois — le premier du genre en Europe — est entré en service début 2016. Il est à même de récupérer presque 100% des métaux grâce à un système de broyage et de tamisage ultra-précis. Hélas, de telles installations sont onéreuses et font grimper le prix des matières premières qu’elles produisent. À tel point que le zinc qui en sort coûte plus cher que celui de première fonte. « Sur le marché des métaux, c’est problématique », soupire Yves Leterrier. Bonne nouvelle, la Confédération et les usines d’incinération se lancent malgré tout dans cette aventure.

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