Chine : L’enseignement supérieur : levier du développement national

La presse chinoise les appelle les « fourmis ». Ces diplômés qui vivent chichement et peinent à trouver un emploi constituent un scandale dans un pays à la tradition confucéenne : les méritants devraient avoir une vie plus douce que ceux qui n’ont pas passé les précieux examens.

D’autant que l’on considère que seuls 10 % d’une classe d’âge font des études supérieures en Chine. C’est donc l’élite du pays qui se retrouve en difficulté.

Rien d’inquiétant relativise Chen Xue Fei, spécialiste de l’éducation à l’Université de Pékin : « Chaque année, les universités déversent environ 10 millions de nouveaux diplômés sur le marché du travail. La compétition est rude pour ces jeunes qui ont tendance à tous se lancer dans les mêmes grandes villes. Même s’il peut y avoir un surplus de cols blancs, c’est une excellente nouvelle, le signe que l’université se développe très vite. »

En effet, Pékin, qui rêve de transformer son économie d’« usine du monde » en économie de « laboratoire » basée sur l’innovation et la R&D, parie sur l’éducation. Et selon le ministère chinois de l’Education, l’enseignement supérieur joue un rôle majeur dans le développement national « en apportant un grand nombre de talents et d’experts dans la construction de la modernisation socialiste ». Concrètement, le budget public consacré à l’enseignement supérieur ne cesse d’augmenter : il est passé de 87 milliards à 164 milliards de yuans (1 CHF = 7,12 CNY) entre 2003 et 2007, mais, attention, si en volume le niveau de financement public (ministères de tutelle, administrations provinciales et locales) a progressé, sa part dans l’enseignement supérieur a régressé, passant de 70 % à 43 %.

Ces diplômés qui vivent chichement et peinent à trouver un emploi constituent un scandale dans un pays à la tradition confucéenne.

Depuis le début des années 80, le système universitaire chinois a connu de profondes mutations. Selon la Loi sur l’enseignement supérieur de 1998, tous les établissements doivent obtenir le statut de société. Du coup, les missions des universités, leurs modes de financement et de gouvernance ont radicalement changé. Les établissements sont par ailleurs encouragés à multiplier les activités de recherche contractuelle et les projets menés avec les entreprises, les organismes sociaux et d’autres institutions du secteur privé.

Autre caractéristique, le système universitaire chinois est aujourd’hui très décentralisé. Seuls 10 % des établissements relèvent encore directement des ministères centraux comme le ministère de l’Education. L’enseignement privé connaît aussi une forte croissance. Il s’en suit des écarts très importants en capacité d’enseignement et en qualité d’équipement selon les régions et le statut de l’université.

Parallèlement à la baisse relative de l’argent public, la part assumée par les étudiants a décollé : entre 1995 et 2006, les frais de scolarité et d’inscription ont presque décuplé pour atteindre en moyenne 4 500 yuans par an. Ils peuvent s’élever jusqu’à 50 000 yuans pour une année dans certaines spécialités.

Pour accéder aux études supérieures, chaque étudiant exprime trois vœux (de filière et d’université) qui sont exaucés ou non en fonction du score obtenu lors du très anxiogène « gaokao », l’examen national qui sanctionne la fin du cycle secondaire, l’équivalent de la maturité. Plus les formations visées sont cotées, plus le score exigé pour y accéder est élevé. Les experts constatent que beaucoup d’étudiants préfèrent exprimer leurs vœux à la baisse plutôt que de prendre le risque de se voir fermer les portes de l’enseignement supérieur.

Les étudiants étrangers, eux, ne sont pas soumis au passage du « gaokao », mais ils doivent mettre la main au porte-monnaie : à Pékin, un étudiant suisse en sciences de la nature devra débourser 30 000 yuans ; à Pékin, dans l’Université Fudan, une année de médecine coûte 42 000 yuans. Avec la fascination pour la Chine, devenue deuxième puissance mondiale, le nombre d’étudiants étrangers ne cesse d’augmenter. En 2007, le pays a accueilli plus de 195 000 étudiants étrangers, soit trois fois plus en un an que lors de la période 1949-1980.

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