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Ces milliards (partiellement) dormants

La crise des finances publiques a, paradoxalement, du bon: des collectivités lourdement endettées s'aperçoivent soudain qu'elles dormaient sur des dizaines de propriétés vides ou sous-exploitées, ou encore que leurs administrations étaient éparpillées dans de multiples espaces peu rationnels ou pour le moins coûteux.

C’est ainsi qu’en France, en Angleterre, en Allemagne comme en Italie, mais aussi aux Pays-Bas, des efforts gigantesques d’inventaire, de valorisation et de cession sont en cours, avec des résultats souvent spectaculaires. La transparence qui accompagne ces opérations immobilières est la plupart du temps exemplaire, comme l’illustre une visite des sites Internet ad hoc•. Il est simplement dommage que ces efforts n’aient pas été entrepris, dans certains pays comme l’Espagne ou l’Italie, lorsque la conjoncture immobilière était à son apogée.
Ce qui frappe également dans les pays précités, c’est la mise en place d’entités autonomes de valorisation et une absence de dogmatisme quant à la question de la propriété immobilière par la collectivité: le plus souvent, tous les biens immobiliers qui ne sont pas indispensables à assurer la mission de l’Etat sont susceptibles d’être vendus au profit du désendettement, de la réduction des charges ou d’un meilleur entretien par un nouveau propriétaire.

Et la Suisse dans tout cela?

Globalement, on sent qu’en Suisse, la pression financière étant moindre, les méthodes de gestion et de valorisation sont restées celles d’hier, sinon d’avant-hier … La surface moyenne occupée par un collaborateur d’une administration publique n’est, par exemple, pas encore un indice connu et exploité de façon systématique. Quant à la vente éventuelle de biens immobiliers superflus, Vaud se montre, sans surprise, plus pragmatique et moins doctrinaire que Genève, où l’Etat se contorsionne par exemple pour inventer une formule alambiquée de cession d’usage par un droit de superficie pour valoriser, sans le vendre, un hôtel particulier de la Vieille Ville … Et même dans la gestion de son immense parc de logements sociaux (5000 appartements!), la Ville de Genève est encore loin de maîtriser la situation, si l’on songe que, de son propre aveu, seuls 60% des locataires sont aujourd’hui contrôlés quant à leur conformité avec les critères d’attribution (mais il est vrai qu’un travail important de remise en ordre semble en cours depuis quelques années). Genève, également, où la vente d’une propriété de maître inutilisée au bord du lac a rapidement été suspendue sine die par l’Etat dès les premiers obstacles. Et faut-il mentionner la Ville de Berne, empêtrée dans un scandale retentissant depuis qu’il a été révélé que plus de la moitié de ses logements sociaux sont occupés, en raison d’un contrôle inexistant, par des personnes aisées voire franche­ment fortunées? Une telle défaillance aurait-elle pu se produire chez un propriétaire privé?
Le but de notre dossier n’est pas de faire un tour exhaustif de la vaste problématique de la gestion et de l’exploitation des biens immobiliers des collectivités publiques, mais simplement d’amorcer le débat et la réflexion autour de ces «milliards» (partiellement) «dormants», et d’encourager plus de transparence -et de professionnalisme- vis-à-vis du citoyen à ce propos.

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