Focus – Les aventurières
Elles bravèrent leurs conditions de femmes cloîtrées au foyer pour explorer un monde parfois interdit. Portraits de quatre téméraires prêtes à tout pour vivre leur vie.

ALEXANDRA DAVID-NÉEL
(1868-1969)
Née près de Paris en 1868, d’un père anarchiste français et d’une mère catholique belge, la jeune Louise Eugénie Alexandrine Marie David multiplie les fugues dans son enfance, puis découvre en grandissant la franc-maçonnerie, le féminisme et les philosophies orientales. En auditrice libre, elle suit des cours à la Sorbonne et au Collège de France, puis se convertit au bouddhisme et devient chanteuse lyrique, ce qui lui offre ses premiers voyages en Orient. Elle épouse en 1900 un aristocrate, Philippe Néel de Saint-Sauveur, avant de partir en Inde, puis de visiter clandestinement le Tibet, strictement interdit aux étrangers. Elle vivra 101 ans, multipliant livres et conférences.

ELLA MAILLART
(1903-1997)
Le nom de la Genevoise Ella Maillart, née en 1903, évoque immédiatement le voyage, mais c’est dans le sport (ski et hockey) et dans la voile — avec de premières régates à 13 ans — qu’elle commencera sa carrière. Après avoir sillonné les mers du globe et exercé plusieurs petits métiers, l’intrépide voyageuse devient journaliste, explore des contrées dangereuses et large-ment interdites comme l’URSS ou la Chine, le Tibet et le Cachemire, passe la Seconde Guerre mondiale en Inde, écrit des livres, donne des conférences… Installée à Chandolin en Valais, elle continue durant trente ans à organiser des voyages pour de petits groupes capables de la suivre. Elle leur dit : « Posez-vous toujours la question: qui suis-je ? Et vous saurez que vous êtes la lumière de la perception ».

FANNY STEVENSON
(1840-1914)
Frances Van de Grift, née en 1840 à Indianapolis, épousa à 17 ans un militaire nommé Osbourne, avec qui elle eut une fille. Devenu mineur puis chercheur d’or, ce mari plutôt volage lui fit encore deux enfants avant qu’elle décidât de le quitter et de s’installer à Paris. Devenue journaliste, elle rencontra l’écrivain Robert-Louis Stevenson, qui tomba amoureux d’elle. Retournée chez son mari, elle voulut pourtant divorcer et épousa ensuite Stevenson. Le couple voyagea alors beaucoup, finissant par s’installer aux îles Samoa où l’auteur de L’Île au trésor et de Dr Jekyll & Mr Hyde décéda. Fanny regagna les États-Unis, où elle vécut encore deux décennies, peignant et écrivant sans relâche. Son beau-fils la décrivit comme « la seule femme au monde qui mérite qu’on meure pour elle ».

HÉLÈNE DUTRIEU
(1877-1961)
On l’appelait « la flèche humaine ». Hélène Dutrieu, née en 1877 à Tournai, en Belgique, la même année que l’écrivain suisse Hermann Hesse, doit son surnom à ses exploits cyclistes. Acrobate à vélo, à moto et en automobile, elle devient pilote d’essai d’avion en 1908. Deuxième femme au monde à obtenir son brevet en 1910 (juste avant Marie Marvingt « la fiancée du danger »), elle est la première aviatrice à tenir plus d’une heure dans les airs en 1911. La même année, elle remporte, à Florence, la Coupe du Roi – une course de vitesse et d’endurance – devant treize aviateurs.
Engagée sur le front de la Première Guerre mondiale en effectuant des vols de reconnaissance, elle devient ambulancière lorsque l’armée interdit le ciel aux femmes. La guerre brise son élan. Devenue journaliste, elle ne retournera vers l’aviation qu’en 1956 pour créer la Coupe Hélène Dutrieu-Mortier. Le trophée récompense alors une aviatrice qui, seule à bord, aura couvert la plus longue distance en ligne droite sans escale.