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Urbanisation effrénée à Accra

Au Ghana, les projets d’urbanisation à grande échelle contrastent de manière frappante avec les anciens quartiers laissés à l’abandon. Et plutôt que de les rénover, les autorités publiques préfèrent laisser la place à de nouvelles constructions luxueuses.

Ces dernières années, la zone urbaine d’Accra, capitale du Ghana, a dû faire face à une augmentation impressionnante de la population qui compte à présent plus de 5 millions d’habitants. D’ailleurs, la population urbaine en Afrique devrait tripler au cours de ces quarante prochaines années. Le quart de la popula-tion des villes se retrouverait alors sur ce continent.

Appolonia ou l’inadéquation d’un projet démesuré

Pour faire face à cette hausse de la population, un vaste projet urbain, appelé Appolonia City, est en construction au nord de la ville depuis 2012. Ce nouveau quartier qui s’étend sur 941 hectares est développé par une société essentiellement privée, spécialisée dans ce genre de projet en Afrique, comme Tatu City au Kenya ou Roma Park en Zambie, et dont les investisseurs sont européens et américains. Située à environ 20 kilomètres du centre d’Accra, Appolonia comprendra non seulement des zones de quelque 25’000 habitations (environ 100’000 résidents prévus), mais également des quartiers abritant des commerces et des bureaux, un parc industriel, des écoles, des centres de soins, à savoir toute l’infrastructure d’une ville autonome.

Malgré la volonté de faire face à cette augmentation de la population urbaine, ce projet ne semble pas forcément répondre à la demande. Des voix s’élèvent pour dénoncer « l’incongruité de ces propositions, tant par leur échelle que par leur programme, par rapport aux demandes du marché et à la démographie des contextes concernés. Elles provoquent de ce fait le risque d’exacerber des conditions urbaines déficientes en détournant des capitaux limités des besoins élémentaires », relevait Christopher Marcinkoski en 2016, à propos des projets urbains en Afrique, dont celui d’Accra. Début 2019, Lena Fält, de l’Université de Stockholm, qui a écrit un livre sur les nouvelles villes et l’émergence d’un urbanisme privé au Ghana, s’inquiétait du risque qu’Appolonia devienne un nouveau projet urbanistique élitiste, malgré les objectifs de créer un environnement urbain accessible et durable.

Des voix s’élèvent pour dénoncer l’incongruité de ces propositions, tant par leur échelle que par leur programme.

Du neuf à la place de l’ancien

Au sud d’Accra, le gouvernement cherche à attirer les plus grands investisseurs immobiliers pour développer le front de mer. Ainsi, par exemple, un autre projet « marine drive », en cours de réalisation, a fait un tollé parmi la population vivant dans ce quartier, en particulier chez les artisans. Ce projet urbain vise à lier différentes zones, les districts les plus importants au centre d’Accra étant fragmentés. Il englobera la place de l’Indépendance au centre d’Accra et ses trois fortifications historiques : celles de Jamestown, d’Ussher et d’Osu.

À fin 2018, de nombreux artisans ont manifesté contre ce projet, car plus d’un millier d’entre eux devaient être expulsés pour laisser la place à des hôtels de luxe, des immeubles de bureaux modernes et un centre culturel flambant neuf, mais dont les loyers risquent d’être trop élevés pour ces petits ouvriers, ceux-ci occupant jusqu’alors un centre culturel défraîchi.

Pourtant, le quartier de Jamestown est le cœur historique de la ville d’Accra, dont les bâtiments anciens, comme les maisons coloniales et les forts, ont fini par se détériorer. Ainsi, plutôt que de tenter de restaurer des édifices imprégnés d’histoire, les autorités semblent plutôt enclines à faire table rase et à construire du neuf.

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