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A Pompéi, le temps, c’est de l’argent

Le «Grand Projet Pompéi» (GPP}, lancé en 2012, cofinancé par l'Union européenne et l'Italie doit offrir un nouveau visage à la célèbre cité antique. Mais le temps presse, si les fonds alloués ne sont pas dépensés avant la fin de l'année prochaine, ils seront définitivement perdus. Sur place, les retards s'accumulent.

Il est impossible de pénétrer sur les chantiers du «Grand Projet Pompéi» (GPP). Caméras de surveillance, portes cadenassées, bâches … Les restaurations s’opèrent à l’abri des regards et des convoitises. «Si je veux me rendre sur un chantier du GPP, je dois deman­der une autorisation spéciale•, explique Luigi Scaroina, archéologue de la surintendance de Pompéi. «C’est une mesure nécessaire pour éviter notamment les infiltrations de la mafia.» En Campanie, l’ombre de la Camorra, la redoutée mafia napolitaine, plane sur le moindre projet qui engage de fortes sommes d’argent. Ces contrôles prennent du temps et, en amont, les retards s’accumulent. • Lorsqu’un marché est attribué, certaines entreprises déboutées déposent un recours au tribunal administratif. Le lancement des travaux est parfois reporté de plusieurs semaines», déplore le professeur Massimo Osanna, le nouveau surintendant de Pompéi.

Le règne de la bureaucratie

Ces recours en justice n’expliquent pas tout. Antonio lrlando préside l’Observatoire du patrimoine culturel, une organisation indépendante. Il dresse un bilan alarmant de la situation : • Avec le GPP, on a créé un amas de commissions! 0 n a multiplié les centres de décision, les contrôles dans un pays où la bureaucratie est déjà excessive. D’après nos estimations, le retard accumulé dépasse les dix-huit mois.»  Un retard qu’il faut désormais rattraper. Au pas de charge. Devant l’urgence, le gouver­nement italien a décidé d’embaucher du personnel à durée déterminée pour faire avancer les travaux. Un décret-loi controversé a aussi été publié: il vise à simplifier les procé­dures d’appels d’offres et à accélérer les contrôles. •Je ne mets pas en cause l’honnê­teté des gens et j’espère que les choses vont bien se passer. Mais quand on avance à coups de simplifications, de dérogations, je suis préoccupé. On a procédé de la même façon pour !’Exposition universelle de Milan et le chantier Moise à Venise et on a vu le résultat•, prévient Antonio lrlando. Dans les deux cas, plusieurs millions d’euros ont été détournés. Des hommes politiques de premier rang, des entrepreneurs ont été arrêtés et accusés de corruption.

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Le Grand Théâtre

On a créé un amas de commissions! On a multiplié les centres de décision.

Les effondrements font la Une des journaux

A Pompéi, ce n’est pas la corruption qui fait la Une des journaux mais les écroulements réguliers. Une attention médiatique exagérée pour certains membres du personnel: « Tout a commencé après l’effondrement de la Maison des gladiateurs en 2010», souffle Mattia Buondonno, guide expert de la surintendance de Pompéi. « Les écroulements ici ont toujours eu lieu. Mais depuis cette épisode, trois pierres tombent par terre et toute la presse accourt», se lamente-t-il, l’air désabusé. Fresques effacées, mosaïques recouvertes de mousse, murs qui s’inclinent, la dégrada­tion est pourtant bien visible sur le site. Les panneaux Vietato l’Accesso (Défense d’En­trer) fleurissent dans la cité antique. Bien souvent, les visiteurs sont contraints de rebrousser chemin.

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Les Fresques de la maison de Lucrezio Frontone

Course contre la montre

Le «Grand Projet Pompéi» ne permettra pas d’ouvrir la totalité du site au public mais il doit donner un second souffle à la ville, ensevelie sous les sédiments du Vésuve en 79 après J.-C. Chaque année, près de 2,5 millions de touristes arpentent les rues de Pompéi, classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1997. La course contre la montre est désormais engagée. Elle vaut cher, très cher: 105 millions d’euros (CHF 128 millions).

Une manne exceptionnelle

Le projet est financé à hauteur de 70% par l’Union européenne. La plus grande partie des fonds est consacrée à la restauration des édifices. L’.objectif du GPP est aussi de valoriser ce joyau archéologique. Amélioration de la sécurité et de l’accueil des touristes, enrichissement des visites grâce à l’utilisation de nouvelles technologies, meilleure connaissance scientifique de la ville. La cité antique devrait offrir un nouveau visage. L’.horloge tourne. Le verdict est attendu le 31 décembre 2015.

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