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La Jaÿsinia, un jardin alpin d’exception à Samoëns

À un peu plus d’une heure du centre-ville de Genève, dans la vallée du Giffre, se trouve le pittoresque village de Samoëns, au cœur duquel est installé depuis 1906 un jardin alpin : La Jaÿsinia. Ce nom est dérivé de celui de sa fondatrice, Marie-Louise Jaÿ, une enfant du pays, qui confia sa réalisation à l’architecte-paysagiste genevois Jules Allemand.

Le 2 septembre 1906 lorsque s’ouvrent les 3,7 hectares de La Jaÿsinia, sont présents les Genevois John Briquet, qui est alors directeur du Conservatoire botanique de Genève et qui a élaboré les divisions géographiques du jardin haut-savoyard, Henry Correvon, qui a fourni plus de 6 600 plantes, ainsi que Jules Allemand (1856-1916), son créateur. Fils de jardinier, ce dernier suit les traces de son père et part à Paris où il devient l’élève du grand Édouard André, figure magistrale de l’horticulture française et auteur de L’Art des jardins (1879). Jules Allemand retourne dans sa ville natale en 1890 et se constitue rapidement une clientèle aisée. Il rencontre Henry Correvon, celui que l’on surnomme « le père du jardin alpin », et les deux hommes passionnés de nature alpine commencent une longue série de collaborations, telle la création du jardin alpin au Village suisse de l’Exposition nationale de 1896 à Genève. Après un tel succès, Jules Allemand est mandaté pour concevoir l’entièreté du Village suisse qui sera monté pour l’Exposition universelle de Paris en 1900, ce qui lui vaudra le titre de chevalier de la Légion d’honneur. Il ouvre alors un second bureau à Paris et après le décès de son professeur Édouard André, il devient l’un des paysagistes les plus en vue. Le poète Edmond Rostand lui demande d’aménager le parc de sa propriété dans les Pyrénées et en 1903, il est approché par Marie-Louise Jaÿ pour concevoir le jardin alpin qu’elle désire offrir au village de Samoëns.

Il a fallu 250 employés et trois ans de chantier pour créer ce chef-d'œuvre.

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D’origine suisse

En effet, si le jardin alpin, né en Suisse dans le dernier quart du XIXe siècle, débute en tant que sous-catégorie du jardin botanique consacrée à l’acclimatation des plantes de l’étage alpin, il emprunte très vite le style romantique des parcs paysagers anglais, afin de devenir une création à part entière, autosuffisante. À l’instar d’une mode éphémère, le phénomène franchit les frontières et atteint son paroxysme au tournant du XXe siècle, avec l’inauguration de huit jardins alpins en Europe, rien que pour l’année 1900.

Un jardin taillé dans la roche

La Jaÿsinia, perchée à plus de 800 mètres d’altitude, occupe le flanc sud d’une colline et offre ainsi une longue promenade bucolique en épingles de plus d’un kilomètre et demi, d’un dénivelé total de 80 mètres. Arrivés au sommet, les visiteurs bénéficient d’un panorama grandiose sur toute la vallée, et notamment le fameux cirque de Sixt-Fer-à- Cheval. Parcourant cet éden coloré par les plantes alpines et montagnardes, les visiteurs peuvent choisir de prendre des raccourcis par le biais d’escaliers sculptés à même la roche. Il a fallu 250 employés et trois ans de chantier pour créer ce chef-d’oeuvre : Jules Allemand fit venir de la dynamite pour morceler le calcaire et fit appel à l’art des rocailleurs pour construire en ciment de fausses pierres et barrières empreintes de rusticité. L’architecte créa également une cascade artificielle, ainsi que des lacs miniatures. Pour les alimenter, il capta les sources d’eau souterraines et construisit des barrages dans le torrent du Clévieu, permettant de ravitailler les réservoirs. Invisibles aux yeux du promeneur profane, les tuyaux en fonte se déploient sous la terre afin de proposer une image parfaite de la Nature, cette dernière eût-elle été construite par la main de l’Homme. Jules Allemand a su juxtaposer les éléments naturels et artificiels dans une composition artistique des plus réussies. Les rumeurs prétendent que le coût de la « merveille des jardins alpins », surnom donné à La Jaÿsinia, dépassait le million de francs ; ce qui pour l’époque représentait une somme considérable. Peu de choses ont changé depuis 1906, et le dé-paysement reste enchanteur de nos jours. Une visite à ne pas manquer.

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