Un robot bâtisseur de maison
Construire une maison en 24 heures, sans ouvrier et sans gaspillage ? Une prouesse bientôt possible grâce à un système robotisé qui construira des murs sans aucune assistance. Cette technologie pourrait révolutionner le secteur du bâtiment.
Habiter un logement décent est reconnu comme un droit fondamental par les Nations Unies. Pourtant, dans le monde, 100 millions de personnes sont sans-abri et un milliard d’autres sont mal logés (estimations d’ONU-HABITAT). Ce douloureux problème n’est pas l’apanage des pays en voie de développement. Evidemment, les causes de ce problème sont multiples : les coûts, mais également la lenteur des constructions – il faut actuellement entre six et neuf mois pour construire un logement de taille moyenne aux Etats-Unis. Car si l’automatisation a permis de baisser les coûts et les délais dans de nombreuses industries, la construction reste un secteur essentiellement manuel.
Or, si un robot peut construire une voiture ou explorer la planète Mars, pourquoi ne pourrait-il pas bâtir une maison ? C’est la question que s’est posée le professeur Behroh Khoshnevis il y a près de vingt ans, alors qu’il réparait sa maison de Los Angeles après un tremblement de terre. Ce professeur d’ingénierie à l’USC (University of Southern California) a donc imaginé un robot capable de construire… des murs en béton. Des années de travail plus tard, le robot baptisé « Contour Crafting » est presque opérationnel. « Notre technologie sera mature d’ici deux ans », affirme Behroh Khoshnevis.
A terme, cette technologie permettra de bâtir une maison de taille moyenne en 24 heures et pour un quart du prix habituel !
Une technologie hybride…
Pour construire ce robot, il s’est inspiré des imprimantes 3D utilisées dans l’industrie. A partir d’un design informatique, ces machines fabriquent des objets à l’aide d’un embout qui dépose des couches de matières (plastique, plâtre, métal) les unes sur les autres. Avec son équipe, Behroh Khoshnevis a donc développé un procédé de fabrication hybride s’appuyant sur ces techniques d’extrusion commandée par ordinateur et sur un bras robotisé pour le lissage. Le robot se déplace sur des rails installés des deux côtés de la maison à construire ; les murs sont alors formés par dépôt de couches de béton au fur et à mesure qu’il avance et recule sur les rails. Des truelles intégrées à la machine terminent le travail en lissant les murs ainsi élevés.
Le Contour Crafting répondant à un ordinateur, le constructeur peut « lui demander » de prévoir des ouvertures pour les fenêtres et les portes, ou de confectionner des emplacements pour la tuyauterie et le réseau électrique. Flexible, la technique permet de créer non seulement des murs rectilignes, mais aussi des formes plus complexes comme des courbes.
… au service des mal-logés
Pour l’heure, le Contour Crafting s’adresse essentiellement au secteur de l’hébergement d’urgence. Tremblements de terre, tsunamis, inondations… lors de tels désastres, des milliers de personnes se retrouvent à la rue. Bien souvent, il faut des années avant que les victimes ne réintègrent un logement permanent. Le robot bâtisseur apparaît comme un outil intéressant pour construire rapidement des abris d’urgence solides. Dans un deuxième temps, cette technologie pourrait servir à fabriquer des habitats sociaux, mais on peut également penser qu’elle séduira les architectes de maisons individuelles. Enfin, le Contour Crafting sera peut-être chargé un jour de construire les colonies lunaires – ou martiennes ! Le robot bâtisseur est en effet le candidat parfait pour cette tâche. Rien d’étonnant, donc, à ce que la NASA sponsorise les travaux du Professeur Behroh Khoshnevis depuis plusieurs années.
Les avantages liés à cette technologie – sur le papier du moins – sont indiscutables. Ainsi, comme la plupart des techniques de fabrication additive, le robot ne « consomme » que le strict nécessaire de matières premières. Une bonne chose lorsque l’on sait qu’aujourd’hui, la construction d’une maison aux Etats-Unis engendre 3 à 7 tonnes de déchets. En réduisant la durée, la taille et donc les ressources nécessaires sur le chantier, le Contour Crafting se veut une technologie « écolo ».
Remplacer les ouvriers du bâtiment par une machine serait aussi, pour le Professeur Khoshnevis, un moyen de sauver des vies. En effet, la construction reste le secteur le plus exposé au risque d’accidents du travail. Manutentions de charges lourdes, travaux en hauteur sur des échafaudages ou des échelles, expositions aux intempéries… selon l’Organisation internationale du travail, les salariés du secteur de la construction ont ainsi deux fois plus de risques de se blesser, et trois à quatre fois plus de risques de mourir au travail que les autres. En outre, moins d’employés signifie des coûts de main-d’œuvre réduits.
Une technique encore en développement
Ce dernier point fait cependant débat. Le secteur de la construction étant le premier employeur industriel en Europe – il représente environ 11 millions de travailleurs selon la Fédération Européenne des Travailleurs du Bâtiment et du Bois – quid de ces emplois ? Le Contour Crafting est toujours en développement, et de nombreuses barrières freinent sa mise sur le marché. A commencer par les réglementations. Les agences chargées de délivrer des autorisations sont connues pour leur lenteur et leurs réserves face aux nouvelles méthodes. Toute une série de tests devra prouver que cette technique de construction est conforme aux normes de sécurité. D’autres difficultés sont susceptibles de ralentir l’implémentation du robot bâtisseur, comme l’écart de prix entre un béton classique et la formule spécialement développée pour cette machine. Ce béton est-il simple à produire localement ? De plus, comment expliquer le manque d’enthousiasme de la part des investisseurs ?Des questions qui ne découragent pas l’équipe derrière le projet Contour Crafting. Le Professeur Behroh Khoshnevis espère révolutionner le processus de construction. Il prédit un déploiement du robot d’ici 2020.