Un point c’est tout !

Point-virgule, d’interrogation ou d’ironie… d’où viennent ces petits signes qui font, parfois, les grandes phrases ?

Le point d’exclamation !

La ponctuation est une science empirique. Difficile de savoir qui a inventé la virgule, le point, les trois points de suspension… Il s’agit souvent d’une adaptation de notations venues du Moyen Âge, elles-mêmes héritées du latin et du grec. L’invention de l’imprimerie aux alentours de 1450 nécessitant des règles, c’est elle qui va fixer les conventions typographiques. Comme le rôle du point d’exclamation, qui sert à marquer une surprise, un ordre, un fait important ou étonnant. Son nom d’origine explicite encore mieux son objectif. Longtemps appelé « point admiratif », il apparaît pour la première fois dans un texte de 1399 rédigé par Coluccio Salutati, chancelier de Florence. « Bruyant » et visible, le point d’exclamation doit cependant être utilisé avec parcimonie. Son abus est souvent un aveu de faiblesse de style. « Il est comme un rire de vos propres plaisanteries » comparait ainsi Scott Fitzgerald, l’auteur de Gatsby.

La virgule

En latin, son nom vient de virgula, petite verge. Ainsi est née la virgule, ponctuation vive et graphique affublée d’un pédoncule et qui, à l’époque médiévale, ponctuait les pauses dans les textes lus à haute voix. En passant à l’écrit, elle va gagner une multitude de fonctions, comme lier ou séparer les groupes syntaxiques d’une phrase. C’est à Étienne Dolet que l’on doit son design. L’humaniste et philosophe publie en 1540 De la punctuation de la langue francoise dans lequel il fixe la ponctuation telle que nous la connaissons. Notamment la forme de la virgule que l’imprimeur d’Orléans arrondit alors qu’elle était représentée jusqu’alors par une sorte de barre oblique.

Le point d’ironie

Créé à la fin du XIXe siècle par le poète français Alcanter de Brahm, le point d’ironie s’emploie à la fin d’une phrase pour marquer le caractère drolatique de cette dernière, voire du texte entier auquel elle appartient. Réservé à un usage artistique, plébiscité par Alphonse Allais dès 1900, ce mixe entre point d’exclamation et d’interrogation (mais inversé) est considéré comme l’ancêtre des émoticônes. En 1997, la créatrice de mode Agnès B. le remettait à l’honneur en intitulant Point d’ironie, sa revue élégante consacrée à l’art.

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(DR)
La ponctuation

Le point d’interrogation

Apparu à la fin du VIIIe siècle, le point d’interrogation appartient aux positurae, un système carolingien de ponctuation qui indiquait les inflexions et les pauses de la voix dans les lectures oratoires des textes sacrés. Adopté par une multitude d’écritures non occidentales dès sa création (comme le chinois, l’arabe ou le hindi), le point d’interrogation est le seul de ces signes à nous être parvenu intact dans sa fonction, douze siècles plus tard. À l’époque carolingienne, il arrivait aussi qu’on démarre une phrase interrogative avec un point renversé (¿). Une habitude qui va se généraliser dans les langues ibériques en 1754 lorsque l’Académie royale espagnole en recommande l’usage, mais dont la Catalogne récuse officiellement la pratique depuis 1993.

Le point-virgule

Utilisé par les moines copistes du Moyen Âge pour marquer une chute de voix dans la lecture orale, le point-virgule équivaut à notre point actuel. C’est Alde Manuce, l’imprimeur vénitien créateur de l’italique, qui en invente le signe typographique en 1495. Le point-virgule sert, à partir de ce moment, à séparer, dans une même phrase, des propositions indépendantes, mais entre lesquelles il existe une liaison logique. Aujourd’hui, son statut flou entre le point et la virgule et le raccourcissement des phrases en littérature l’ont condamné aux oubliettes, en dépit de sa capacité à fluidifier un texte. Il est loin le temps ou Chateaubriand écrivait : « Quand je sortis de ce Léthé, je me trouvai entre deux femmes ; les odalisques étaient revenues ; elles n’avaient pas voulu me réveiller ; elles s’étaient assises en silence à mes côtés ; soit qu’elles feignissent le sommeil, soit qu’elles fussent réellement assoupies, leurs têtes étaient tombées sur mes épaules. » Ses défenseurs alertent ainsi régulièrement de sa disparition, la notoriété du point-virgule étant pour l’instant assurée par l’émoticône 😉.