Suède : Les étudiants vont payer plus

C’est officiel, la Suède ferme les portes des universités aux étrangers extra-européens.

Dès 2011, ces derniers vont devoir s’acquitter de droits élevés pour pouvoir y étudier. L’argent sera utilisé pour réformer un système d’évaluation de l’enseignement. Dès la rentrée, à l’automne 2011, un étudiant extra-européen devra payer environ 10 000 francs pour une année d’études dans l’une des quatorze universités ou vingt-deux högskolor (universités qui ne distribuent pas de diplômes au niveau de la recherche) du royaume. « Il y a eu un débat assez large sur ce sujet », affirme Amalthea Frantz, rédactrice en chef de Gaudeamus, le magazine des étudiants de l’Université de Stockholm. « Certains voient derrière cette mesure des valeurs négatives. On dépeint l’étudiant étranger comme un simple profiteur de notre système. Les détracteurs de la réforme affirment que la Suède se prive de cerveaux étrangers, et par conséquent d’un élément essentiel dans la compétition économique mondiale basée sur le savoir », explique-t-elle. « De l’autre côté, il y a ceux qui pensent que les étudiants qui viennent de pays pauvres sont souvent eux-mêmes issus de l’élite de ces pays. Qu’il s’agit souvent d’étudiants de familles plutôt aisées et donc qui ont les moyens de payer », poursuit-elle.

Il n’y a donc pas de relation directe entre une formation gratuite et le nombre de prix Nobel obtenus.

Dans le magazine Gaudeamus, Jan Björklund, le ministre de l’Education et de la Recherche, se défend de priver la Suède d’une matière grise stratégique. Il n’y a qu’à regarder le nombre de prix Nobel que les Suédois distribuent aux universités américaines, pense-t-il : « Aux Etats-Unis, étudier à la fac n’est pas gratuit. Il n’y a donc pas de relation directe entre une formation gratuite et le nombre de prix Nobel obtenus », remarque le ministre. Il est vrai qu’au sein du berceau de la social-démocratie, les quelque 300 000 étudiants (pour 9 millions d’habitants) sont plutôt choyés. Ils ne paient pas une couronne en frais de scolarité, ni en frais d’inscription. Au contraire, pour subvenir à leur scolarité, l’Etat met en place un système de prêt de bourse – quel que soient les revenus des parents. Il s’agit d’un effort de 3,4 milliards de francs annuel, dont 3 milliards sous forme de prêt remboursable tout au long de la vie active. Ainsi, un étudiant en Suède a la garantie de disposer d’environ 1 300 francs par mois pour vivre, tout en étant indépendant des parents pour le choix de sa vocation. Par ailleurs, il peut travailler à côté pour un salaire annuel maximum de 10 900 francs.

Avec la crise, la Suède a connu une ruée vers les portes des universités (+22 % en 2009), obligeant le gouvernement à allouer encore plus d’argent à celles-ci pour faire face. Dans ce pays, les universités sont rémunérées au prorata des étudiants inscrits. Parmi les pays de l’OCDE, il n’y a que la Suisse qui dépense plus que les Suédois par étudiant dans l’enseignement supérieur (18 361 dollars respectivement 20 883 dollars, en 2007). La mesure d’arrêter la gratuité pour les étudiants extra-européens est dans ce contexte un choix comptable parfaitement assumé du gouvernement. Le nombre de demandes d’admission des étudiants étrangers doit, selon les estimations, chuter de 90 000 à 1 000 d’ici à la rentrée de l’automne prochain. Or ces économies réalisées (d’environ 4 500 places au final), ajoutées à une des reprises économiques les plus vigoureuses de l’Europe, permettront au gouvernement de se lancer dans d’autres réformes du système universitaire. Il s’agit notamment de mettre en place, d’ici à 2013, un nouveau système d’évaluation de chaque institution, filière par filière. Les institutions de l’enseignement supérieur seront à cette date notées sur une échelle de trois. L’objectif de la réforme est d’évaluer la qualité des compétences acquises par les étudiants, y compris en regardant leurs travaux individuels, choisis au hasard. Mais aussi en demandant l’avis des étudiants, tout comme celui des représentants des futurs employeurs. Les résultats obtenus seront ensuite pondérés en prenant en considération le mode de recrutement – afin de ne pas défavoriser un recrutement large (sexe, origine ethnique et sociale, etc.). Les institutions qui, au final, obtiennent une bonne note seront récompensées. Un bonus de 3 % dans leur allocation budgétaire est en discussion. Ce qui pourrait constituer une petite entorse au sacro-saint sens de l’égalité des Suédois.

Rubriques
Société