Sept principes clés pour une politique de santé raisonnable
Comme tous les systèmes mixtes, la santé est tiraillée entre les tenants idéologiques de la réglementation étatique et les défenseurs d’intérêts sectoriels. Face à la complexité et aux intérêts divergents, seule une approche pragmatique apparaît pertinente.
Dépenser beaucoup pour un système de santé performant n’est évidemment pas un mal en soi, il en va autrement du gaspillage et de l’inefficience dus à de mauvaises incitations, qui font gonfler le secteur de la santé au détriment de la productivité du reste de l’économie et diminuent le pouvoir d’achat, et donc la liberté de choix, des citoyens.
Aujourd’hui, 63,9% des dépenses totales de santé ne relèvent pas du libre choix ou de la responsabilité financière personnelle, mais de l’assurance obligatoire et d’autres sources étatiques. Cela représente entre-temps 50 milliards de francs par an et est loin d’être anodin. On peut donc parler d’un socialisme de la santé, qui transfère de façon excessive une part croissante des revenus de la population vers des prestations dont l’utilité n’est pas corroborée. D’où l’importance de formuler des principes qui surmontent les querelles du secteur, dans l’intérêt des patients potentiels et des payeurs de primes et d’impôts que nous sommes tous.
1. Les soins de santé sont un service et non un droit
Les confusions et l’absence de véritable analyse économique qui entourent la politique de la santé émanent en grande partie du préjugé que les soins de santé seraient différents d’autres biens et services et « trop importants » pour être laissés aux forces du marché. Cette prémisse est doublement fausse : c’est précisément parce que les soins de santé sont importants qu’une plus grande assise sur les marchés et la logique économique est nécessaire. Un marché libre des soins de santé, tant au niveau des cabinets médicaux que pour les hôpitaux, est le meilleur moyen d’assurer l’adéquation économique entre les besoins des patients et des consommateurs et les services des prestataires.
L’autre point de vue, problématique, est de considérer les soins de santé comme un « droit », c’est-à-dire un dû de la société à chaque patient ou consommateur. C’est la perspective typique-ment défendue par les tenants d’une forte immixtion de l’État dans le système de santé, qu’il s’agisse des médecins, des dirigeants d’hôpitaux ou des politiciens d’inspiration socialiste. La constitution fédérale peut également favoriser cette notion. En réalité, chacun a un droit à recourir aux soins de santé de son choix avec ses propres ressources. Mais au niveau politique, il peut tout au plus y avoir un rôle subsidiaire pour les collectivités, notamment en cas de détresse, et certainement pas l’instauration d’un « droit » à tous les soins de santé souhaités qui devraient être payés systématiquement par autrui, à travers les primes obligatoires (qui financent un catalogue politique de prestations) et les impôts.
2. Restaurer l’assurance et l’individualisation des dépenses non-assurables
L’assurance sociale obligatoire n’est pas une véritable assurance, mais un système de prestations prépayées : la mutualisation des risques est abusé pour inclure de nombreuses dépenses qui ne relèvent pas du risque, mais de comportements ou de préférences individuels. De même, une assurance ne peut fonctionner que si les risques sont suffisamment importants pour justifier économiquement une mutualisation : cela implique que seul un libre marché de l’assurance maladie peut déterminer quels seraient les produits et les primes d’assurance, et différencier l’offre selon les besoins variés de la population.
Le système du tiers-payant est aujourd’hui un système d’irresponsabilité financière généralisée. En permettant aux résidents de transférer les coûts de leurs mauvaises habitudes à la collectivité, ce système ne dissuade pas une mauvaise hygiène de vie. Or une grande partie des dépenses de santé sont dues à des comportements évitables. C’est pourquoi l’assurance maladie ne devrait être conçue, selon des principes actuariels, que pour les soins onéreux et inattendus, c’est-à-dire les grands risques. Par grands risques, il faut comprendre les factures de plusieurs milliers de francs par cas, avec des franchises minimales de 2000 à 3000 francs par an et par personne et un copaiement dégressif de 10% à 3% selon l’ampleur de la facture. Toutes les autres prestations devraient être payées directement de la poche des patients et des consommateurs, notamment par le biais de comptes d’épargne-santé. Cela permettrait de diminuer sensiblement le gaspillage et l’inefficience dans le système de santé, et donc de réduire les primes d’assurance.
3. N’aider que ceux qui en ont vraiment besoin
Le concept même d’assurance sociale repose sur des préceptes paternalistes et antilibéraux qui sous-entendent que la grande majorité des résidents adultes serait incapable de gérer leur prévoyance et celle de leur famille en matière de santé. Or, l’ex-périence montre que cela ne peut être vrai que pour une toute petite minorité de personnes. Les individus font les choix tout aussi importants d’apprendre et de pratiquer une profession, de fonder et d’élever une famille, de contracter un emprunt hypo-thécaire, d’acheter une voiture ou de pratiquer des hobbies onéreux, sans la tutelle de l’État ou de la politique.
A la place de subventionner les hôpitaux et les primes d’assu-rance artificiellement élevées du fait de leur politisation, les cantons et les communes devraient concentrer leurs moyens, le cas échéant, sur l’assistance ad hoc pour le financement de soins indispensables de personnes en détresse. Par ailleurs, des orga-nisations charitables peuvent également se charger d’aider de manière ciblée des familles faisant face à une détresse dans le paiement de soins médicaux.
4. L’étatisation empire le système
Les comparaisons montrent que les systèmes étatisés, comme au Royaume-Uni ou au Canada, offrent des soins de qualité inférieure et rendent l’accès aux soins plus difficile. À la place des prix et de la concurrence, ce sont donc les listes d’attente et la planification étatique qui créent les arbitrages, forcément moins en adéquation avec les attentes et les besoins de la population.
Une autre faiblesse des systèmes étatisés est le manque d’investissements dans les équipements et les infrastructures, vu qu’il n’y a pas d’incitation financière, mais uniquement des lignes de commandement bureaucratique pour prendre des décisions stratégiques et opérationnelles.
En conséquence des listes d’attente pour l’accès aux soins et du manque d’équipements, les systèmes étatisés sont beaucoup moins performants en termes de résultats. Les violations des droits de liberté des patients et des consommateurs comme ceux des médecins sont systématiquement inévitables dans de tels systèmes.
5. Encourager l’entrepreneuriat
La politique actuelle de la santé fige le système dans un carcan de structures qui évolueraient naturellement sous un régime de liberté. Les entrepreneurs du secteur de la santé devraient pouvoir déterminer comment fournir des services mieux adaptés, de meilleure qualité, à des coûts inférieurs, qu’actuellement. Les développements récents, comme les cliniques ambulatoires dans les centres commerciaux ou les gares, qui ne sont problématiques qu’en raison du financement collectivisé mais amènent une réelle amélioration pour le patient ou le consommateur, montrent dans quelle direction le secteur peut évoluer : ces cliniques sont en général ouvertes le soir et le week-end et permettent de recevoir des soins rapidement, sans déranger son emploi du temps ordinaire et en évitant les services d’urgence des hôpitaux.
D’autres innovations incluent les cliniques spécialisées des groupes d’hôpitaux privés, qui traitent les patients non seule-ment à moindre coût, mais mieux que les hôpitaux dispersés Avec le développement d’internet et de solutions numériques, la télémédecine permet également de recevoir certains soins à des coûts plus compétitifs, tout en facilitant la communication entre le patient ou le consommateur et le médecin ou le personnel médical.
6. Développer les comptes d’épargne-santé
La prévoyance individuelle peut prendre la forme de comptes d’épargne-santé, complémentés par une assurance maladie pour les grands risques.
Les apports au compte d’épargne-santé devraient être déductibles du revenu imposable. Ils serviraient à financer les petites dépenses de santé (jusqu’à 2000 à 3000 francs par an au minimum), dont les primes d’assurance maladie pour les grands risques. Le compte d’épargne-santé, en demeurant la propriété de son détenteur, incite à la consommation efficiente de soins. Le compte d’épargne-santé favoriserait aussi la prévention, une meilleure gestion des maladies chroniques et la conscience des coûts des médicaments et des traitements chez les patients et les consommateurs, de même que chez les prestataires, ce qui diminuerait sensiblement le nombre d’actes médicaux inutiles et inefficients et encouragerait les comportements favorables à la santé, comme l’équilibre alimentaire ou le sport régulier.
7. Mettre en oeuvre la transition
L’innovation médicale permettrait également de baisser le prix des soins grâce à la concurrence, comme c’est le cas de toutes les branches économiques laissées aux marchés.
Une réforme raisonnable du système doit donc s’articuler autour de quatre axes simultanés :
• Individualisation et libéralisation de l’assurance maladie.
• Désétatisation des hôpitaux.
• Défiscalisation des comptes d’épargne-santé.
• Libéralisation de la médecine.
Avec cet ensemble de mesures, le flop onéreux que constitue la politique suisse de la santé depuis l’introduction d’une législation encore plus mal raisonnée que la précédente, pourrait laisser la place à un système plus performant et meilleur marché pour tous les résidents.
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