Nairobi, la Smart City africaine en devenir
Nairobi, par deux fois, a obtenu le titre de la ville la plus intelligente d’Afrique. La Smart City en devenir a le vent en poupe, quel que soit le budget.
Au cœur de Nairobi, les gratte-ciel se substituent aux vieux bâtiments coloniaux. La bibliothèque McMillan construite en 1920 par l’Empire britannique est désormais dominée par les buildings qui ont poussé au cours des trente dernières années. Des tours qui dépassent parfois les 200 mètres de haut, et qui accueillent les plus grands groupes du monde : Total, L’Oréal, IBM… La capitale et son centre-ville dédié au business font partie des plus avancés du continent africain. Ici l’urbanisme évolue au fil de l’exode rural. Chaque mois naît un nouveau bâtiment pour accueillir main d’oeuvre et investisseurs. Un développement effréné qui a permis à Nairobi de remporter deux années de suite le titre de la ville la plus intelligente du continent. Pour Robert Bell, créateur d’Intelligent Community Forum, le think tank qui a lancé ce classement, la cité « a certainement la possibilité de créer un avenir passionnant pour ses citoyens, ses entreprises et ses institutions », au cours de son évolution des dernières années. Des travaux titanesques ont été entamés en 2008 par l’ancien président Mwai Kibaki puis consolidés en 2014 par Evans Kidero, alors gouverneur de la capitale, grâce au programme Vision 2030. D’ici treize ans, ce plan de développement d’urbanisme, doit faire de Nairobi la vitrine de l’Afrique de l’Est. Le projet au coût final inconnu a été pensé par le Gouvernement et en partie financé par le Japon. Pour Nixon Kanali, spécialiste kenyan des nouvelles technologies, le prix des travaux n’a pas vraiment d’importance : « L’Etat souhaite avant tout montrer sa volonté de faire de Nairobi l’une des villes les plus attractives au monde. »
Nairobi en plein boom
Un avenir qui n’était pas tracé. La petite gare ferroviaire du XIXe siècle compte aujourd’hui 4,3 millions d’habitants et devrait atteindre les 5,2 millions d’ici 2030. Cette croissance n’avait pas été anticipée à l’époque, ses conséquences sont terribles, en particulier sur le réseau routier. Les Nairobiens passent en moyenne chaque jour 62 minutes coincés dans les embouteillages : c’est la deuxième ville la plus congestionnée au monde derrière Calcutta en Inde. La Vision 2030 devrait pallier le manque de réflexions des dernières décennies. L’une des artères principales, Ngong road, est en pleine métamorphose. Godfrey Isiye, l’un des responsables du programme, explique que cette route doit « devenir l’avenir de Nairobi ». Pour 13 millions de dollars, la capacité de l’avenue toujours saturée va doubler, permettant un trafic rapide qui devrait fluidifier l’économie. Mais tout n’est pas voué au business : pour faire écho aux politiques écologiques, des promenades piétonnes et des pistes cyclables ont également été imaginées, une révolution dans la capitale. En attendant 2030, les initiatives populaires se multiplient. Laban Okune, un jeune entrepreneur, s’est rendu compte que 87 % des Kenyans ont un téléphone portable. C’est ainsi qu’est née l’application ma3route. « Nous permettons à nos 400 000 utilisateurs d’avoir accès en temps réel au trafic, par le biais de notre application, les médias sociaux et les SMS. » Chaque jour voit naître un nouvel outil. « En 2016, Nairobi a été classée dans le top 20 des villes les plus innovantes de la planète », explique Nixon Kanali. « Notre ville a une vraie capacité à se réinventer .»
Attirer les talents
Cependant les populations pauvres restent mises à l’écart : deux tiers des habitants vivent encore dans des bidonvilles et ne profitent pas de la croissance. Les projets phares de Nairobi 2030 ne sont pour la plupart pas situés dans la ville existante, comme Konza, une nouvelle cité prévue à la périphérie de la capitale. Surnommée « Silicon Savannah » en référence au hub technologique américain, la ville a été imaginée comme la première Smart City africaine, pensée pour faciliter l’arrivée d’une population jeune et fortunée. Un projet pharaonique de 15 milliards de dollars, créé ex nihilo, dont la livraison est programmée pour 2037. Mais pour Nixon Kanali, pas besoin d’attendre vingt années de plus, le rêve est déjà à portée de main : « L’Europe et les États-Unis ne considèrent pas encore Nairobi comme une ville intelligente. Mais ici nous répétons toujours à nos voisins qu’ils n’ont plus besoin de prendre l’avion pour Londres : mieux vaut venir à Nairobi ! »
Le projet au coût final inconnu a été pensé par le Gouvernement et en partie financé par le Japon.