L’expérience australienne mitigée
Depuis trois ans, l’Australie a mis au point un programme qui vise à sensibiliser et à éduquer les enfants au numérique. Toutefois les avis et les résultats sont mitigés.
Le temps est fini où, en 2008, le premier ministre travailliste de l’époque, Kevin Rudd, appelait à la Digital Education Revolution et envisageait alors de dépenser près de 2 milliards et demi de dollars en sept ans pour équiper tous les enfants de 7 à 12 ans d’un ordinateur, de former les professeurs à la technologie de l’information et de la communication, de développer recherches et projets numériques, d’impliquer les parents pour qu’ils puissent suivre en ligne l’enseignement prodigué à leurs enfants… L’enthousiasme s’est un peu affaissé avec la crise économique et des résultats scolaires qui ne sont pas probants : les écoles dans lesquelles les élèves sont dotés d’ordinateur individuel n’ont pas enregistré de meilleurs résultats (notamment en mathématiques ou en anglais) que les écoles qui préfèrent encore une méthode d’enseignement traditionnelle. Il s’avère que souvent les enfants n’ont pas même une bonne maîtrise de leur outil. En 2014, une étude nationale effectuée sur 10 000 élèves révélait qu’à peine plus de 50% d’adolescents de 15 ans étaient capables d’effectuer des tâches « certes stimulantes mais raisonnables » sur leur ordinateur.
« Un scandaleux gaspillage »
Le coup de grâce a été porté en mars 2016 par le directeur de la Sydney Grammar School, une des écoles les plus anciennes et prestigieuses de Sydney qui compte parmi ses anciens élèves une cohorte de champions olympiques, d’hommes politiques et trois premiers ministres dont le libéral Malcolm Turnbull, actuellement en exercice. Le patron de l’école, John Vallance, assure que l’argent dépensé pour financer l’engouement du numérique est un « scandaleux gaspillage » qui n’a pas cours chez lui puisque, bien qu’il apprécie « les gadgets », les ordinateurs portables sont presque totalement bannis de son établissement où les devoirs et les contrôles se font sur papier. Un support qui stimule, dit-il, la réflexion, la rumination et l’écriture…
Être connecté à tout prix
« Je sais très bien qu’un ordinateur ne fera pas de ma fille une meilleure élève mais s’en servir avec intelligence et être connectée me semble indispensable », explique un parent d’élève. C’est certainement la position officielle de l’Australie. Depuis trois ans, par le biais d’un nouveau curriculum national obligatoire, non seulement les ordinateurs et les tablettes sont entrés à l’école, mais aussi les systèmes de traitement de l’information, la réflexion conceptuelle et informatique « pour définir, concevoir et mettre en œuvre des solutions numériques ». Dès le plus jeune âge – les classes maternelles ont été pour l’occasion rebaptisées les années « fondatrices » – jusqu’à 12 ans, les enfants seront immergés dans cette nouvelle discipline intitulée « technologies numériques » qui est désormais considérée par le système éducatif australien comme une composante primordiale de l’éducation et de la vie au XXIe siècle. Un acte considéré comme
« révolutionnaire » par ceux qui ont initié et mis sur pied ce nouveau curriculum. Un bouleversement, pas tant pour les élèves dont le monde est déjà si souvent virtuel, mais pour les établissements et les enseignants qui doivent être formés pour relever cet immense défi. Déjà les professeurs en informatique manquent en Australie.
Le papier, un support qui stimule la réflexion, la rumination et l’écriture...