Les Hollandais évaluent leur patrimoine

Deux mille propriétés appartiennent aux Pays-Bas et 350 ont le statut de monument. Les prisons utilisent 1,2 million de mètres carrés du portefeuille national.

Le Ministère de l’Intérieur et des Relations du Royaume a même mis en place une agence des bâtiments gouvernementaux, la RGD (Rijksgebouwendienst), qui se positionne comme le principal gestionnaire de ses biens. Sur un catalogue de 7 millions de mètres carrés de surface, la RGD en gère plus de 70 %. Ce premier architecte et agent du Gouvernement a comme mission de stimuler les collaborations innovantes, sous la forme par exemple de partenariats publics-privés. Il doit également maintenir une part importante du patrimoine culturel national et s’assurer de le rendre public.
Les citoyens peuvent se rendre sur un site et découvrir ce catalogue immobilier. Par villes, par années et par fonctions. Ces dernières sont multiples : parkings à vélos et voitures, dépôts, bibliothèques, bâtiments d’archives, gymnases ou encore laboratoires. Les bureaux, quant à eux, constituent 3,9 millions de mètres carrés des biens de l’Etat, ce qui représente 10 % du marché total de bureaux dans le pays. Le ministre néerlandais du Logement et du Secteur de l’Administration Centrale, Stef Blok, prévoit une réduction régulière du Gouvernement central. « Notre politique est de garder exclusivement les bâtiments que le Gouvernement doit utiliser, les autres peuvent être vendus », explique Frank Wassenaar, son porte-parole. Les acheteurs sont représentés par les municipalités ou par des sociétés immobilières commerciales, souvent en charge des logements sociaux. « Nous vendons toujours nos bâtiments après une offre publique et avec des prix calqués sur ceux du marché », définit-il, « nous voulons aussi établir une fondation non commerciale pour vendre des monuments assez particuliers, comme des tombes historiques, des obélisques ou des ruines. »
Les municipalités néerlandaises, de leur côté, ont des situations peu comparables. Rotterdam par exemple, dont le centre-ville a été complètement détruit après la Seconde Guerre mondiale, a perdu beaucoup de ses anciens trésors. Mais pas tous. Certains bâtiments préservés mélangent la tradition d’une histoire familiale et la modernité d’un lieu revisité. Le Grand Café Engels, en face de la gare centrale entièrement rénovée, a cette particularité. Son implication, dans le secteur de la restauration à Rotterdam date de 1884. Mais c’est depuis 1952 que la famille Engels, récompensée par la reine Beatrix en 1988, modernise un bâtiment classé monument par la ville.

Nous voulons vendre des monuments assez particuliers, comme des tombes historiques, des obélisques ou des ruines.

Vendre pour construire

Le catalogue d’Amsterdam représente une valeur totale de 2 milliards d’euros. Avant, on y découvrait de vieilles écoles publiques, comme celle située dans la Valckenierstraat, construite au début du XXe siècle, au cœur du quartier juif d’Amsterdam. Elle sera trans-formée en usine après la guerre, puis laissée à l’abandon. Dans les années 80, la municipalité cède symboliquement les murs à une communauté d’artistes squatteurs, à la seule condition de ne pas revendre le bâtiment avant quinze ans. « Nous avons été les premiers à racheter l’un des appartements en 2002 », se souvient P. Doan, graphique designer. « Il était resté libre pendant plus de six mois. L’espace ouvert de type atelier était atypique et peu pratique pour y habiter. Aujourd’hui, les trois quarts des habitants sont des créatifs qui utilisent le lieu pour travailler. »
Aucun accès public aux biens immobiliers de la ville n’est encore possible à ce jour. « La plupart des immeubles appartenant à la ville sont utilisés. Pour les nouvelles constructions, nous avons une règle de 30 % de logements sociaux », explique Paul Oudeman, véritable intermédiaire pour le grand projet municipal : transformer 1,3 million de mètres carrés de bureaux vides. Son rôle consiste à faciliter les permis de rénovation ou de construction, à alléger les contraintes juridiques et fiscales et à mettre en lien propriétaires, développeurs et experts. Mais Amsterdam investit aussi dans ses monuments, comme le Rijksmuseum. Le plus prestigieux musée néerlandais a rouvert ses portes en 2013, après huit longues années de rénovation.