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Les expositions immersives, nouveaux chantres de la médiation culturelle

Certains grincent des dents face au succès récent des expositions immersives. Peut-on appeler ces spectacles lumineux des expositions ? Telle est l’interrogation de certains professionnels qui s’inquiètent de l’éloignement du public des œuvres originales.

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Atelier des Lumières, exposition Van Gogh. Crédit : Culturespaces/E. Spiller

Force est de constater que le recours au mapping pour les institutions culturelles ou les lieux d’exposition privés est synonyme de succès de fréquentation. En témoigne l’exemple de l’Atelier des Lumières à Paris qui a ouvert ses portes en 2018 et a atteint sa fréquentation annuelle en à peine deux mois (300 000 personnes). Les œuvres de Van Gogh puis de Klimt, projetées sur l’intégralité des murs de cette ancienne fonderie parisienne, ont hypnotisé les visiteurs. Conçues par Culturespaces (société privée de gestion de lieux culturels), ces histoires de l’art lumineuses s’épanouissent depuis 2012 sur les parois des carrières des Baux-de-Provence et devraient investir plusieurs lieux patrimoniaux dédiés, à l’instar de la reconversion de l’ancienne base sous-marine de Bordeaux, construite par les Allemands, en 42 000 m2 de « bassins numériques » pour un budget estimé à 7 millions d’euros.
Cette nouvelle tendance que Culturespaces cherche aujourd’hui à décliner à l’international (Corée, États-Unis, Europe) traduit la forte intégration des nouvelles technologies dans l’univers artistique. Elle reflète aussi l’appétence de plus en plus forte des artistes pour les dispositifs numériques. En effet, il serait faux de réduire l’immersion numérique à de simples spectacles lumineux quand, en parallèle, des chercheurs et des artistes s’allient pour faire évoluer les connaissances et les outils de médiation culturelle et posent la question du devenir des expositions artistiques. En 2017, l’EPFL de Lausanne présentait l’exposition Noir c’est noir ? consacrée à l’œuvre de Pierre Soulages en proposant des dispositifs innovants. Parmi ceux-ci, l’immersion Into the Black à l’aide de lunettes de réalité virtuelle ou de l’exploration pigmentaire des Outrenoirs de l’artiste avec une caméra hyperspectrale, toutes deux développées par l’EPFL+ECAL Lab. Récemment, au printemps 2019, l’artiste Miguel Chevalier, pionnier de l’art numérique, s’est lui aussi attaqué à l’œuvre décidément fascinante du maître du noir en installant au musée Soulages de Rodez d’immenses œuvres d’art numériques dont les capteurs répondaient aux déplacements des visiteurs, transformés alors en pinceaux, eux-aussi virtuels.

L’expérience immersive révèle ici la fascination actuelle pour le pigment dans lequel on aime entrer pour faire corps avec l’œuvre. Tout devient immersions vidéo, tactiles, olfactives, et même historiques. En ce moment, le musée des Beaux-arts de Genève nous plonge dans la Genève de 1850 grâce à une expérience de visite inédite — coproduite par la fondation suisse Artanim, acteur incontournable de la réalité virtuelle aujourd’hui — qui permet à plusieurs visiteurs d’interagir entre eux dans un espace virtuel, créé grâce à la numérisation et à la modélisation du Relief Magnin (maquette de Genève). Durand quinze minutes, on entre dans la peau de personnages d’époque et on parcourt la ville d’autrefois (à tester à la Maison Tavel jusqu’au 14 juillet). L’immersion est ici scénarisée et dessine les prémices des visites des musées du futur.