Focus – Les artistes
Leurs noms ont longtemps été ignorés des histoires de l’art. Artistes sans public ni marché, elles continuèrent à œuvrer sans relâche malgré l’adversité. Avant d’être enfin reconnues.

SALLY GABORI
(VERS 1924-2015)
C’est l’histoire d’une femme de 81 ans qui découvre la peinture, sans aucune connaissance artistique. Dans les années 40, Mirdidingkingathi Juwarnda, dite Sally Gabori, Australienne aborigène du peuple Kaiadilt, doit quitter l’île Bentlinck où elle est née pour se réfugier sur l’île voisine de Mornington. C’est là qu’en 2005, elle découvre l’atelier de peinture du foyer pour personnes âgées où elle est installée. La communauté Kaiadilt ne cultive aucune tradition picturale. Sally Gabori s’exprime donc librement en faisant appel à ses souvenirs et aux couleurs de son pays. Ses toiles ressemblent davantage à l’expressionnisme abstrait américain d’après-guerre qu’aux peintures traditionnelles aborigènes. Subjuguée par cette découverte et cette énigme, la critique fera de l’artiste, qui a peint plus de 4000 tableaux au cours de ses huit années d’activité, une star mondiale. Elle exposera ainsi pendant la 55e Biennale de Venise en 2013 et aura droit, sept ans après sa mort, à sa première grande rétrospective européenne en 2022, à la Fondation Cartier à Paris.

ARTEMISIA GENTILESCHI
(1593-1656)
C’est une « fille de » dont la notoriété retrouvée a fini par (presque) éclipser celle de son père. Artemisia Gentileschi, fille d’Orazio, admiratrice du Caravage chez qui elle reprend la tension dramatique des compositions, est largement reconnue à son époque. Elle enchaîne les commandes, mais son œuvre disparaît lentement des radars après sa mort. L’artiste a dû longtemps sa place dans l’histoire au viol qu’elle subit par Agostino Tassi, élève de son père qui lui intenta un procès retentissant. On attribuera à cette période douloureuse de la vie de l’artiste la violence émanant de ses toiles. Son œuvre, connue jusqu’alors des seuls spécialistes, est finalement réévaluée à partir de la fin des années 90. Au point de faire d’Artemisia Gentileschi la figure centrale des femmes artistes dans l’histoire de l’art.

FAITH RINGGOLD
(1930-2024)
Elle est peintre, femme, noire, américaine et figurative. Le quinté gagnant pour que le milieu de l’art des années 50 vous ignore complètement. Faith Ringgold représente sur ses toiles et ses kilts les inégalités sociales dont souffrent les Afro-Américains, les émeutes qui secouent les banlieues et les stéréotypes racistes. En marge de son travail d’artiste que le marché boude, elle poursuit une carrière d’enseignante en arts plastiques et publie des livres pour enfants. Finalement reconnue à la fin des années 80, elle n’est vraiment découverte par le grand public qu’en 2023 à l’occasion de son exposition au Musée Picasso à Paris, le maître étant sa principale inspiration, une année avant sa mort.
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