Le Parlement peut trancher sur la distribution de cannabis

Pour autant que le Parlement le veuille, des essais pilotes de distribution de cannabis devraient pouvoir être menés en Suisse. Le Conseil fédéral a remis aux Chambres un projet en ce sens. Les programmes seront strictement encadrés

Le ministre de la santé Alain Berset aura fort à faire pour convaincre les parlementaires. L’opposition vient de l’UDC, du PDC, du PEV et de l’UDF. Le Conseil national a pris des décisions contradictoires ces derniers mois, chaque fois à quelques voix près.

La décision de légiférer fait suite au « niet » en novembre 2017 à une étude scientifique de l’Université de Berne. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) avait invoqué la loi actuelle qui ne permet pas une consommation pour des raisons non médicales. D’autres villes comme Genève, Zurich, Bâle ou Bienne avaient manifesté leur intérêt pour cette expérience.

Marché noir problématique

Près de 200’000 personnes consomment régulièrement du cannabis à des fins récréatives en Suisse. Pour le Conseil fédéral, cette situation pose problème. Un important marché noir prospère, la qualité des produits n’est soumise à aucun contrôle, les coûts de la répression sont importants et il est difficile d’atteindre les consommateurs par des actions de prévention.

Les essais pilotes ne sont pas une première étape vers la libéralisation, a insisté Alain Berset. L’interdiction de consommer est maintenue. Le Conseil fédéral veut acquérir de meilleures connaissances sur un thème traité de façon trop souvent émotionnelle et dogmatique, a souligné le ministre.

D’autres formes de régulation, comme une vente régulée en pharmacie, pourront être scientifiquement étudiées. Alain Berset a refusé à ce stade de préjuger de l’issue des débats.

La loi sur les stupéfiants sera uniquement modifiée pour permettre des essais pilotes pendant au maximum dix ans. L’OFSP pourra les autoriser après avoir auditionné les communes et les cantons concernés.

Répondant aux critiques émises en consultation, le Conseil fédéral a précisé que les essais devaient être « scientifiques ». Il a aussi renoncé à soumettre à l’impôt sur le tabac le cannabis vendu dans le cadre des programmes.

Strictement encadré

Une ordonnance d’application a déjà été rédigée et elle fixe un cadre très strict. Seules les personnes pouvant prouver qu’elles consomment déjà du cannabis seront autorisées à participer aux essais pilotes, par exemple par un prélèvement capillaire.

Les participants devront être domiciliés dans la commune de l’essai, être volontaires, avoir été informés du contenu du projet et avoir consenti par écrit. Ils obtiendront une sorte de permis.

Il est exclu que des moins de 18 ans puissent se procurer du cannabis à cette occasion. Sont également exclues les femmes enceintes, les personnes incapables de discernement et les personnes atteintes d’une maladie diagnostiquée par un médecin et pour lesquelles la consommation de cannabis est contre-indiquée.

Les titulaires d’autorisation pour des essais pilotes seront tenus de surveiller l’état de santé des participants et de garantir leur traitement si des problèmes devaient survenir. Ils devront pour ce faire désigner un médecin responsable.

Les essais pilotes seront limités géographiquement à une commune ou un regroupement de communes. Ils ne devront pas durer plus de cinq ans et pourront être prolongés sur demande de deux ans. La taille du groupe dépendra du type d’essai, mais ne devra pas dépasser 5000 participants.

Quantité limitée

Il sera possible de vendre des fleurs de cannabis, du haschisch ou de l’huile ainsi que des « space cakes ». La valeur maximale en THC devra être limitée à 20%. Actuellement, la teneur des produits illégaux tourne autour de 15%, mais des pics à 28% ont été observés. Les produits devront être exempts de pesticide.

Un participant ne pourra pas se procurer plus de 10 grammes de THC pur par mois. Toute remise gratuite sera interdite. Le prix devra être fixé sur la base de celui du marché, en tenant compte de la teneur en principe actif et du marché noir local.

L’emballage devra comporter des informations neutres sur le produit, la teneur en THC, la mention de l’essai pilote et une mise en garde sanitaire.

Les points de vente devront disposer de personnel qualifié et d’une infrastructure adéquate. Il pourra s’agir de lieux spécifiques mais aussi de pharmacies et de clubs privés. Le cannabis ne devra pas être remis à des tiers et ne pourra être utilisé que pour sa propre consommation. Celle-ci sera interdite dans les espaces publics.

L’OFSP pourra révoquer une autorisation, si les conditions ne sont plus respectées mais aussi en cas de mise en danger de la sécurité et de l’ordre publics ou si la santé des participants est sérieusement menacée.