L’écologie, un département et des actes

Il y a deux raisons pressantes de réduire drastiquement nos consommations d’énergies fossiles. D’une part, les réserves s’épuisent et les ressources vont devenir de plus en plus chères. D’autre part, les émissions de CO2 polluent l’air, portent atteinte à la santé et mènent droit à une catastrophe climatique planétaire. Nous sommes mis au défi de réaliser une transition énergétique générale, qui va modifier en profondeur les ressources, les dépenses et les comportements de tous. Tant que les menaces avaient paru lointaines, le mouvement s’était engagé plutôt modestement. Mais après les accidents de Fuku-shima et une météo de plus en plus violente, la lutte pour les économies d’énergie a pris un caractère d’urgence. Elle entre aujourd’hui dans une phase plus ambitieuse et opérationnelle. Ainsi, la politique conduite depuis des années par la SOCIÉTÉ PRIVÉE DE GÉRANCE (SPG) en faveur du développement durable prend une ampleur inédite. Rencontre avec Dominique Bakis-Métoudi, directrice de SPG Asset Development et récemment nommée « Madame environnement » de la régie immobilière.

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Dominique Bakis-Métoudi, Directrice de SPG Asset Development Environnement

– En quoi le secteur immobilier est-il concerné par la transition énergétique ?

D. Bakis-Métoudi – C’est l’un des plus énergivores : plus de la moitié de la consommation énergétique du pays est dépensée dans le secteur du bâtiment. Nous vivons dans des immeubles construits à des époques où le chauffage était très bon marché et qui fonctionnent comme de véritables « passoires énergétiques » – qu’il s’agisse des immeubles anciens ou des immeubles de béton des années cinquante et soixante, particulièrement défaillants en matière d’isolation. Tous les jours, des kilowatts partent en fumée en raison de façades peu isolantes, de fenêtres peu étanches ou de chaudières sous-performantes : ce gaspillage va coûter de plus en plus cher, avec la hausse programmée du prix de l’énergie, et il est l’une des grandes sources de la pollution de l’air, de nombreuses atteintes à la santé et de la dégradation du climat. L’amélioration du parc immobilier est l’une des grandes tâches de la transition énergétique : elle passera par la réalisation de constructions neuves plus performantes, bien sûr, mais aussi et surtout par un vaste programme de rénovations d’immeubles existants, visant à améliorer leurs performances énergétiques.

– Comment se positionne la SPG face à ce grand défi ?

– Il y a des années que nous nous sommes engagés activement en faveur du développe-ment durable. Tout d’abord, pour nos propres fonctionnements : la récupération et le tri des déchets, l’eau du robinet dans des bouteilles en verre plutôt que l’eau minérale dans des bouteilles en plastique, la gestion électronique pour se rapprocher d’une administration « zéro papier », etc. Pour les déplacements de nos collaborateurs, la mobilité douce est la règle : nous les incitons à utiliser les transports publics, à circuler à vélo, à marcher, à monter les escaliers, et mettons à leur disposition un parc de véhicules écologiques, vélos et voitures électriques « zéro CO2 ». Ce sont des petites choses, mais elles créent un état d’esprit. Aujourd’hui, elles débouchent sur une décision beaucoup plus importante : la rénovation en cours de notre immeuble de la route de Chêne, équipé notamment de nouvelles façades plus isolantes et mis en conformité avec les meilleures normes Minergie.

– Et auprès de vos clients ?

– Depuis des années, nous multiplions les initiatives pour promouvoir le développement durable auprès des locataires et des propriétaires des immeubles que nous gérons et que nous construisons. Ainsi, nous avons été parmi les premiers à promouvoir le « Label Vert » genevois de l’USPI, à organiser la distribution gratuite d’ampoules écologiques en partenariat avec Migros Genève, à mettre au point des bilans écologiques d’immeubles, à demander aux entre-prises des devis écologiques et à réaliser des « rénovations vertes », anticipant bien souvent sur l’évolution des normes environnementales. Nous travaillons pour cela avec le département de la Gérance dirigé par Philippe Buzzi et SPG Prorenova, notre division axée sur la rénovation des bâtiments. En matière de constructions neuves, plusieurs réalisations nous ont permis de tester avec succès des techniques innovantes comme des structures en bois, des sys-tèmes de récupération des eaux de pluie pour les sanitaires, la pose de panneaux solaires, etc.

Tous les jours, des kilowatts partent en fumée en raison de façades peu isolantes, de fenêtres peu étanches ou de chaudières sous-performantes.

– Comment évolue l’action de la SPG en faveur du développement durable ?

– Notre politique de développement durable prend actuellement une ampleur inédite, notamment au chapitre des économies d’énergie – au point que nous avons créé un nouveau département « SPG Asset Development Environnement », spécialisé dans la construction et la rénovation d’immeubles et de quartiers durables, que j’ai le plaisir de diriger. Il faut d’abord dire que le contexte politique et social a évolué : la stratégie 2050 du Conseil fédéral qui vise à sortir du nucléaire, la révision de la Loi cantonale sur l’énergie, la modification de la LDTR pour faciliter les rénovations lourdes sonnent comme autant d’appels à une mobilisation générale pour la transition énergétique et réunissent, petit à petit, les moyens nécessaires pour la concrétiser. Dans ce contexte, la SPG continue de jouer un rôle pionnier, généralisant des dispositifs testés précédemment et ouvrant des voies nouvelles pour un immobilier durable. Je vous donne quelques exemples. L’objectif est de faire bénéficier le plus grand nombre d’immeubles gérés par la SPG des analyses de l’étiquette énergétique : le monitoring des consommations en temps réel permet ainsi de réagir à la moindre anomalie. Avec les Services industriels de Genève (SIG), nous incitons au maximum nos propriétaires à adopter le programme éco21 permettant de réduire les consommations d’énergies et émissions de CO2. Nous allons également tester avec eux un projet-pilote de « compteur intelligent » qui permettra notamment aux locataires de recevoir des alertes en cas de consommation inhabituelle. Avec l’Office cantonal de l’énergie, nous avons mis en place sur plus de 30 % de nos immeubles des « contrats à la performance » visant à réduire les consommations de chauffage sans porter atteinte au confort des locataires et testons actuellement sur des projets-pilotes les « contrats d’optimisation énergétiques », plus complets que les précédents. Nous multiplions les rénovations-pilotes d’immeubles existants, qui améliorent leur « signature énergétique » par toute une panoplie de dispositifs innovants (nouvelle façade plus isolante, panneaux solaires, ascenseur avec récupération d’énergie, chaufferie économe, etc.). Nous continuons à construire des immeubles écologiques, notamment à l’éco-quartier de la Jonction (Coopérative Artamis des Rois). Une nouvelle piste de réflexion est la création de jardins potagers partagés au pied d’immeubles, favorables à l’appropriation et au développement d’une agriculture de proximité en ville : nous avons inauguré en septembre les premiers jardins, réalisés avec l’association Equiterre, à la coopérative Cooplog Loëx, tandis que d’autres sont prévus sur les toits du futur écoquartier de la Jonction.

Nous vivons dans des immeubles qui fonctionnent comme de véritables ‹ passoires énergétiques ›.

– Comment incitez-vous un propriétaire à améliorer l’efficacité énergétique de son immeuble ?

– Les éléments d’information que nous réunissons en permanence sur les performances énergétiques des immeubles nous sont très utiles pour proposer aux propriétaires des plans d’action raisonnés et concrets, utilisant le cas échéant les possibilités de soutien financier offertes par la loi. Par ailleurs, les travaux d’amélioration énergétique seront bientôt rendus obligatoires par le législateur : en partenariat avec l’Office cantonal de l’énergie (OCEN), nous invitons les propriétaires à s’engager sans attendre, en apportant toutes les garanties que les travaux réalisés avant la loi seront reconnus à leur juste valeur par les autorités publiques.