Le Japon, un pays culturellement secret

Le Japon ne figure pas dans le classement des paradis fiscaux de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Mais cette liste, qui sert de référence depuis le G20 de 2009, est très critiquée par la « Tax Justice Network », réseau international d’experts et de chercheurs spécialisés dans la justice fiscale.

Elle reproche à l’OCDE de trop se « focaliser sur la question fiscale » et de mettre en second plan ce qui lui semble être l’essentiel : la transparence. Fin 2011, la Tax Justice Network publie donc son propre palmarès des pays qui rassemblent les meilleures conditions pour « masquer l’évasion fiscale internationale ». Selon ses critères, le Japon est à la 8e place des pays les plus opaques. Que doit-on en conclure sur la troisième puissance économique mondiale ?

L’OCDE reconnaît quatre critères dans sa définition du paradis fiscal : le pays dispose d’un faible taux d’imposition, de lois ou de pratiques administratives qui empêcheraient un échange de renseignements avec les administrations étrangères, d’une absence d’activités concrètes pour attirer les capitaux extérieurs et enfin d’un manque de transparence évident.

La question de l’opacité est justement le point décrié par la Tax Justice Network.

Pour les sociétés, le japon dans la norme internationale

Pour les sociétés, « le Japon est dans la norme internationale, voire dans la fourchette haute, explique Julien Ghata senior manager chez PricewaterhouseCoopers Aarata à Tokyo. Si le taux de taxe effectif a diminué récemment de 40,69 % à 38,01 % et devrait encore baisser en 2015 de plus de 3 %, il reste élevé. » Yoichi Murata, private banker japonais installé en Suisse, confirme : « Les taxes sont très élevées au Japon : pour les impôts mais aussi pour les droits de succession. » La TVA japonaise « est quant à elle plutôt à la hausse, explique Julien Ghata. Elle est actuellement de 5 % et devrait passer à 10 % dans les années qui viennent. » Daisuke Sato, directeur d’une société de conseil en marketing pour les PME japonaises en Europe, va plus loin : « Si on la compare à celle des pays européens, la TVA japonaise est même trop basse. Les firmes multinationales profitent de ce taux pour dégager des bénéfices et rapatrier leurs fonds dans des sociétés offshore pour échapper à l’imposition japonaise. » Des taxes élevées ou en augmentation mais aussi des facilités pour les capitaux étrangers. Le Japon s’éloigne toujours plus de la définition du paradis fiscal établie par l’OCDE. « Depuis le gouverne-ment du premier ministre Koizumi, le Gouvernement japonais a amorcé une politique de séduction des investisseurs étrangers au Japon », poursuit Daisuke Sato. En 1986, l’archipel nippon crée le Japan Offshore Market dans le but d’attirer des capitaux. Quatre années après sa création, soit en 1990, ce dernier représentait un total de 495 milliards de dollars selon les chiffres de la Banque des règlements internationaux.

Revers de la médaille, s’ils attirent des capitaux étrangers, ces centres offshore ont été reconnus comme fragilisant le système financier mondial, car ils sont soumis à un secret bancaire très large. La question de l’opacité est justement le point décrié par la Tax Justice Network. C’est un fait : le Japon « préfère garder les informations en interne, poursuit Julien Ghata. C’est avant tout culturel. Même si cela donne une mauvaise image au point de vue international. L’échange d’informations entre pays est pourtant fondamental en termes de transparence fiscale. » En matière de communication, l’archipel nippon a encore du chemin à parcourir. « Le Japon est un pays unique qui peut être perçu comme difficile d’accès par les autres pays, assure Yoichi Murata. Cette incompréhension et le manque de coopération contribuent sans doute à laisser perdurer ce sentiment d’opacité. »

Julien Ghata reconnaît volontiers que le pays « fait des efforts à ce niveau-là, notamment avec la mise en place de la FATCA ». La FATCA, la « Foreign Account Tax Compliance Act », est un accord avec les Etats-Unis de transmission automatique de données sur les citoyens américains ayant des comptes bancaires hors des Etats-Unis. Elle devrait être mise en application à compter du 1er février 2013 et permettre de lutter contre l’évasion fiscale internationale. En contrepartie, les Etats-Unis rendront la pareille aux pays qui ont signé l’accord. Le Japon a déjà apposé sa signature en  juin dernier.

Rubriques
Économie