Comment le Mont-Terri pourrait changer le monde
L'EPFZ a lancé un ambitieux projet de recherche au laboratoire du Mont-Terri, dans le Jura, afin d'étudier les possibilités de stockage du CO2 dans le sous-sol.
Chaque année en Suisse, 50 millions de tonnes de gaz à effet de serre sont émises, soit 5,8 tonnes par personne. Si l’on tient compte des émissions liées aux biens ou prestations importés, on arrive à 12 tonnes par habitant.
Les derniers scénarios climatiques indiquent que les températures, si les émissions restent constantes, s’élèveront d’ici 2050 de 4,1 degrés en été et de 7,2 degrés en hiver, avec de graves conséquences pour la Suisse.
Conjointement à la promotion des énergies renouvelables et aux économies d’énergie, le stockage de CO2 dans le sol est une possibilité pour réduire les émissions, ont indiqué les responsables du projet.
Le CO2 serait ainsi ramené là d’où il provient initialement, à une profondeur comprise entre un et cinq kilomètres. Les impacts négatifs sur le climat seraient donc partiellement compensés, mais uniquement à condition que le gaz carbonique reste en place et ne puisse pas s’échapper. Le but est qu’il demeure piégé pour des millénaires par un processus de minéralisation.
Dissous dans de l’eau salée
Dans le laboratoire souterrain du Mont-Terri, exploité par Swisstopo, un projet de recherches dirigé par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) étudie à petite échelle comment des formations rocheuses présentant des zones de failles retiennent le CO2.
L’EPFL ainsi que le Service sismologique suisse participent à ces travaux. Il s’agit en effet également d’examiner dans quelles conditions des séismes pourraient être induits par ces processus et de déterminer comment l’on peut surveiller un tel stockage.
Pour cela, on injecte quelques décilitres de CO2 dissous dans de l’eau salée dans un forage qui traverse directement une zone faillée importante. Parallèlement, des forages de surveillance sont mis en place pour pouvoir observer les processus dans le rocher.
Système d’observation
Le système d’observation distribué dans six forages autour du trou d’injection combine différentes techniques. Il comprend des capteurs sismiques actifs et passifs qui enregistrent les différentes vitesses de propagation des ondes générées par les injections et d’éventuels microséismes qui en résultent.
S’y ajoutent des capteurs de déformation qui enregistrent des décalages micrométriques lors de l’activation d’une zone perturbée. Des capteurs électriques de conductivité et d’acidité enregistreront l’arrivée du fluide dans les forages d’observation et montreront comment il se répartit et à quelle vitesse il migre.
En théorie, la Suisse a le potentiel de stocker plusieurs gigatonnes de CO2 dans son sous-sol.
Enfin, des échantillons de roches seront prélevés avant et après chaque expérience. Ils seront soumis à des examens pour déterminer l’ampleur de la modification géomécanique de la zone perturbée. Des échantillons du fluide seront également analysés.
Zones perturbées
Les résultats devraient aider à mieux comprendre les processus qui contribuent à d’éventuelles fuites de CO2 à travers des zones perturbées. Cette expérience livrera ainsi une contribution à une meilleure caractérisation des sites intéressants pour un tel stockage, selon ses responsables.
Des chercheurs dans six domaines, faisant tous partie du Swiss Competence Center for Energy Research – Supply of Electricity, mènent conjointement cette expérience. Elle fait partie du projet de recherches « Elegancy », financé par la Commission européenne et l’Office fédéral de l’énergie, auquel collaborent des scientifiques de Suisse, de Norvège, des Pays-Bas et du Royaume-Uni.
Il existe dans le monde quelques projets de ce type qui permettent de stocker dans le sol environ trois millions de tonnes de CO2 par année. Rien de tel n’est prévu pour l’instant en Suisse, mais « en théorie, la Suisse a le potentiel de stocker plusieurs gigatonnes de CO2 dans son sous-sol », estime Stefan Wiemer, professeur à l’EPFZ et responsable du projet.
Le Laboratoire souterrain du Mont Terri, créé en 1996, est dirigé par la Confédération (Swisstopo) qui y mène des expériences sur les argiles à Opalinus. Les données récoltées sur cette roche à très faible perméabilité servent notamment à étudier la faisabilité d’un futur stockage de déchets radioactifs en Suisse. Il s’agit d’un site de recherche uniquement.