La nécessaire adaptation aux évolutions démographiques

Les coûts liés à la sécurité sociale représentent un tiers du budget de l’État. Contre 17% il y a vingt ans. 

Suzanne Bartholo

Pour assurer la sauvegarde du système de santé, le gouvernement japonais entend repousser l’âge de la retraite à 70 ans. Voire 80 pour la fonction publique.

Le Japon vieillit à une vitesse record. Actuellement, un Japonais sur sept est âgé de plus de 75 ans. Selon les projections de l’Institut pour la population et la sécurité sociale, en 2035 les plus de 75 ans représenteront 20% de la population ; trente ans plus tard, celle-ci sera tombée de 126 millions de 2015 à 88 millions, dont 40% auront plus de 65 ans.
Ce vieillissement rapide – conjugué à une dénatalité qui ne l’est pas moins – inquiète les autorités et relance régulièrement le débat sur la place des seniors dans la société. Dans une culture où les anciens sont généralement traités avec une déférence ostentatoire, cette question engendre un choc culturel profond mais elle n’est pas, pour autant, écartée par les autorités. Ainsi, dans son vaste plan baptisé « Vers une ère où l’on vit 100 ans », le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a clairement annoncé, fin janvier, qu’il envisageait de porter, sur la base du volontariat pour l’instant, l’âge de perception de la retraite à 70 ans dans le privé et à 80 ans dans la fonction publique. Aucune logique doctrinaire derrière cette idée. En repoussant l’âge de la retraite à 70 ans, Shinzo Abe cherche à se montrer pragmatique. Il souhaite en effet s’attaquer aux problèmes fiscaux du pays. Le vieillissement généralisé pèse sur les dépenses publiques et fait exploser le budget de la sécurité sociale. L’année dernière, les coûts de cette dernière représentaient un tiers du budget de l’État, contre 17% il y a vingt ans. En perpétuant le système de retraite actuel, les seniors risquent de coûter très cher à l’État en paiement de pensions, alors que le pays est confronté à une dette publique dépassant les 250% du PIB. Avec cette nouvelle réforme des retraites, le gouvernement souhaite simplement « réorganiser le système de sécurité sociale pour rassurer tout le monde : enfants, parents, actifs et personnes âgées».

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L’activité des seniors est primordiale pour l’économie japonaise. Le vieillissement de la population fait en effet exploser le budget de la sécurité sociale nippone.

Enthousiasme des seniors

Selon un sondage réalisé pour le gouvernement, la réforme serait accueillie avec enthousiasme. Surtout chez les personnes directement concernées. Deux Japonais sur trois de plus de 60 ans souhaitent travailler après 65 ans. Peu étonnant, quand on connaît l’importance du travail dans la société nipponne où 22% des employés travaillent plus de cinquante heures par semaine et ne prennent en moyenne que neuf jours de congé par an. Le travail passe ici avant la vie de famille. La vie servile des employés se limite à des journées de travail de plus de douze heures, et, le soir venu, à des retrouvailles entre collègues dans des bars et restaurants où les boissons alcoolisées, les rires et les confessions viennent dissiper le stress provoqué par les interminables heures passées au bureau. Ces salarymen rentreront chez eux très tard par le dernier train de banlieue, avant de recommencer le même processus dès le lendemain matin. La rupture, imposée par la retraite, de ce mode de vie est souvent vécue comme un drame.

Méfiance des entreprises

La difficulté, pour le gouvernement, se trouve donc du côté des entreprises. Les négociations s’annoncent en effet périlleuses, puisque le système actuellement en vigueur permettait aux employeurs de conserver leurs salariés âgés tout en diminuant leurs salaires de manière conséquente.
Au Japon, et ce depuis 2006, alors que les travailleurs nippons ont jusqu’à 65 ans pour toucher pleinement leur pension, la majorité des entreprises fixe généralement l’âge de départ à 60 ans pour que les salaires des seniors ne pèsent pas sur leurs finances. De fait, si l’employeur demande à un salarié de quitter l’entreprise avant 65 ans, ce dernier peut exceptionnellement percevoir sa retraite mais subit une minoration de son montant. Les travailleurs du secteur privé qui partent à la retraite à 60 ans ne peuvent par exemple toucher que 70% de leur retraite mensuelle.
Mais face à la pénurie de main-d’œuvre liée au déclin démographique, les entreprises japonaises sont forcées de réembaucher ces néo-retraités jusqu’à au moins 70 ans, en leur proposant des contrats précaires moins bien rémunérés. Avec cette nouvelle législation, le gouvernement souhaite inciter les entreprises à garder leurs salariés plus longtemps, avec un statut moins précaire, afin de renflouer les caisses de la sécurité sociale. Pour faire passer la réforme, l’augmentation de l’âge de la retraite sera appliquée progressivement et le gouvernement réfléchit égale-ment à la création d’un système de soutien financier aux entre-prises.

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