Italie : Inscription à peu de frais, réputation internationale médiocre

Rome n’est pas Londres en ces temps de révolte universitaire. Ici, on manifeste contre les coupes budgétaires et le projet de réforme qui renforcerait la méritocratie et la privatisation.

Là, on refuse l’augmentation des taxes universitaires. Le montant moyen des frais d’inscription universitaires en Italie est un des plus bas d’Europe selon l’OCDE. Mais les différences dans la Péninsule sont très nettes, comme le montre une enquête réalisée à la veille de la rentrée 2010 par Federconsumatori, la puissante fédération italienne des consommateurs. L’évasion en la matière, comme l’est celle plus généralement « fiscale », est importante.

Les universités du Nord sont 13,13 % plus chères que leurs homologues du Sud, ce taux montant à 31,92 % pour les étudiants des familles les plus riches. Car le coût pour s’inscrire augmente avec le revenu déclaré. Si l’on considère la première tranche pour un revenu annuel inférieur à 6 000 euros, l’Université de Parme est la plus coûteuse, avec un paiement annuel de 866 euros pour les facultés scientifiques et 740 euros pour celles des sciences humaines (sur l’ensemble du territoire, et en moyenne, cette différence est de 8 %). Au second poste se place l’Université de Milan (respectivement 789 euros et 685 euros). C’est à l’Université Aldo Moro de Bari, au Sud, que revient la palme des frais les plus bas. Juste au-dessus d’elle, la fameuse Université Alma Mater de Bologne qui limite sa première tranche à 20 000 euros par an : l’inscription y coûte ainsi 55 % de moins que la moyenne nationale.

En matière de ranking mondial, l’Italie est en queue de peloton.

Pour les étudiants étrangers, la première inscription est nettement plus chère ; dans les années successives les règles redeviennent celles des Italiens, y compris en termes d’exonération. Venant de nations hors de l’Union européenne (leur nombre est limité par décret à 50 000) ou de l’Union, ces jeunes arrivants sont d’office classés dans la tranche la plus élevée des revenus, la cinquième, et donc soumis aux frais d’entrée comme à la taxe régionale et autres retenues les plus élevés. Sauf à faire recours auprès d’une commission ad hoc en apportant les preuves de leur manque de moyens, et de redescendre dans la troisième tranche… Il leur faut verser 53 euros supplémentaires, pour faire admettre leur titre de diplôme étranger. Seuls les ressortissants de quelques pays pauvres ont droit automatiquement à la première tranche (décret-loi 286/1998).

Le montant des bourses est-il suffisant pour permettre un accès à tous à l’université ? Non, pour un Italien comme pour un étranger (qui, lui, gagne à s’informer sur l’offre spécifique supplémentaire qui le concerne) : 871 euros pour l’année 2008/2009 par exemple…

Si le financement public devait s’appliquer à tous ceux qui sont en droit d’être boursiers, cela reviendrait aujourd’hui à donner à chacun 70 euros par année ! Sur une population étudiante d’environ 1,8 million, seuls 8,4 % bénéficient d’une bourse, alors qu’un quart de leurs homologues en ont une en Allemagne et en France où l’effectif à l’université est comparable. Le nombre total de bourses frise en 2011 les 53 000, soit un tiers de moins qu’il y a trois ans. Croissant de 1997 à 2008, le total des ressources publiques prévues à cet effet diminue depuis drastiquement (source Unione degli Universitari) : la baisse atteindrait, entre 2009 et 2012, 95,9 % du fonds total national prévu en 2009 ! Certes à ce fonds s’ajoutent des ressources régionales, plus substantielles au nord qu’au sud.

Depuis peu se développent les prêts d’honneur et ceux privés des grandes banques. Mais le système tarde à s’étendre. Le chômage des jeunes pèse lourd et, pire encore, selon le rapport 2010 du Censis (institut réputé de recherche socio-économique), un jeune sur cinq n’est ni en étude ni au travail… La solvabilité du futur diplômé censé rembourser en devenant actif est parfois difficile à garantir car, signe inquiétant, un diplôme est de moins en moins une garantie d’emploi.

De plus, il existe de fortes différences de valeur entre les diplômes d’une université à l’autre. En tête du pouvoir d’attraction, en particulier auprès des étudiants étrangers, le Policlinico de Milan et celui de Turin, la Bocconi (privée) de Milan, la LUISS (privée) de Rome, l’Università per Stranieri de Perugia et de Siena, le Campus Bio-Medico de Rome. Le Censis a publié en juillet 2010 son propre classement, en collaboration avec le quotidien La Repubblica (www.censis.it).

En matière de ranking, l’Italie est en queue de peloton. Parmi les deux cents meilleurs établissements dans le monde, seule La Sapienza (publique) à Rome est classée, et encore au 197e rang (au 125e cinq ans avant), alors que plusieurs institutions européennes, telle l’EPF de Zurich, sont bien placées. Et qu’un jeune Italien sur deux sortant du secondaire choisit d’aller dans le supérieur, et que neuf étudiants sur dix fréquentent le « public »… Le pays n’affecte que 0,6 % de son PIB à la recherche, la formation et l’instruction des citoyens, considérées partout comme un investissement, tandis que la moyenne est de 1,1 % selon l’OCDE. En Italie, le gouvernement Berlusconi a multiplié les coupes du budget de l’Education et prévoit une baisse de 19,1 % de 2009 à 2012 (de 7,5 à 6 milliards d’euros). La recherche est encore plus mal lotie. Dans ces conditions, le nombre d’étudiants a baissé. Beaucoup d’abandons : le nombre de diplômés « premier niveau » au bout de trois ans est environ le tiers de celui à l’entrée.

La qualité se ressent de la pénurie des moyens. A ce handicap s’ajoutent la prolifération des cours, le mandarinat parfois, le clientélisme plus rarement… Ces facteurs n’expliquent pas tout. L’insuffisance présumée du niveau est difficile à mesurer, en l’absence d’un label de qualité à l’exception du Label européen des langues.

Victime de son image, l’Italie ne reçoit que peu d’étudiants étrangers, se situant au vingt cinquième poste sur trente selon l’OCDE (2,1 % des inscrits). Pourtant l’équivalence en matière de diplômes est satisfaisante, reconnaissent de nombreux observateurs*. Et l’enseignement à distance fait une timide percée, 1,4 % des élèves s’étant laissé séduire.

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