Interview de Jean-Pierre Pastori

Viser le meilleur, mais pour le plus grand nombre...

Jean-Pierre Pastori, Directeur de la Fondation du Château de Chillon Veytaux-Montreux

1. Quels sont les défis qui se posent lorsque l’on veut dynamiser une institution culturelle et accroître son rayonnement ?

La première question à se poser est de savoir si l’on veut provoquer une rupture avec le passé ou se positionner dans la continuité. Dans le cas de Chillon, ma venue a coïncidé avec l’exécution d’une stratégie voulue par Claude Ruey, le président du Conseil de fondation, et qui était elle-même porteuse de renouvellement. J’aurais pu me heurter à des résistances internes conservatrices comme j’en ai connues à la Télévision de la région lausannoise, lorsque j’en ai pris la direction, il y a 15 ans. Rien de tel au château, où j’ai bénéficié du soutien enthousiaste de toute l’équipe !

2. Revitaliser une institution culturelle nécessite-t-il des moyens financiers importants, et quel rôle les pouvoirs publics doivent-ils jouer dans ce contexte ?

L’argent est évidemment le nerf de la guerre. Mais certaines idées ne coûtent pas cher à réaliser. Il en est même qui s’autofinancent. Des soutiens auprès de fondations ou de mécènes peuvent aussi être obtenus. En revanche, l’Etat de Vaud a réduit de moitié sa subvention pour la restauration du monument, et nous ne recevons plus rien de la Confédération. Heureusement que la liberté dont nous disposons nous permet d’être dynamiques sur le plan commercial !

3. Le public du XXIe siècle est-il différent de celui d’il y a deux ou trois décennies ?

Les attentes des visiteurs ne sont certainement plus les mêmes. Comme ils voyagent, ils comparent. Il n’est pas possible aujourd’hui de proposer la découverte d’un château tel que Chillon sans offrir un audioguide, un support audiovisuel, un site Internet dynamique et une cafétéria… Voilà d’ailleurs ce qui nous manque aujourd’hui : une cafétéria. Raison pour laquelle nous venons de réaliser un concours d’architecture portant sur l’aménagement de la rive du lac et la construction d’un espace de restauration.

4. Doit-on forcément simplifier et vulgariser le message culturel pour qu’il soit reçu ?

Je ne pense pas. Mais il faut offrir plusieurs niveaux de lecture. Nos visiteurs peuvent se contenter de la notice qui leur est remise gratuitement. Ils peuvent aussi faire l’acquisition d’une plaquette détaillant l’histoire du château, louer l’audioguide ou encore faire appel à l’une de nos guides… Tout dépend du temps dont ils disposent, de leurs moyens et évidemment de l’intérêt qu’ils portent à l’histoire et à l’architecture.

5. Quelles sont vos motivations ? Quels conseils donneriez-vous à celui ou celle qui souhaiterait s’inspirer de votre parcours ?

Il faut être passionné par ce que l’on fait, sans jamais perdre de vue que l’on n’est pas là pour satisfaire ses propres aspirations, mais bien celles de ses clients. On doit viser le meilleur, mais pour le plus grand nombre. Une équation qui n’est pas nécessairement facile à résoudre. Mais on y arrive !

6. Pensez-vous que l’offre culturelle soit suffisante en Suisse ?

La Suisse bénéficie d’une offre culturelle d’une extrême richesse. La densité des musées, bibliothèques, théâtres, opéras, salles de concert et autres festivals est sans doute unique au monde. Il m’arrive toutefois de penser qu’il en faudrait peut-être un peu moins, mais mieux dotés… L’éparpillement des ressources nuit au développement.

Château de Chillon : Pour en savoir plus : www.chillon.ch – Tél. : 021 966 89 10

Rubriques
Culture