Entre politiques volontaristes et innovations technologiques

L’amélioration des systèmes de santé est la principale explication à l’augmentation de l’espérance de vie en Afrique de l’Est.

La statistique est éloquente. Les Africains de l’Est du continent vivent 5,3 ans de plus qu’il y a dix ans. Lâché par le directeur Afrique de la commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), Andrew Mold, en novembre 2018, ce chiffre résume à lui seul le profond bouleversement que connaît cette région. « L’espérance de vie est un bon indicateur général du niveau de vie, note Andrew Mold. Le rythme des changements est l’un des plus rapides de l’histoire. »
Rapide, c’est le moins qu’on puisse dire. De 2013 à 2017, la croissance économique s’établit annuellement à 6,7% en moyenne. Soit le double du chiffre rattaché à tout le continent, sur la même période. En 2019, une croissance à 6,2% est envisagée, conséquente à des investissements à venir et de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC). Cet élan économique attire naturellement la confiance des investisseurs. Ce qui se répercute aussi sur les actions publiques, créant ainsi un cercle vertueux dont les effets se font ressentir à tous les niveaux. Si l’espérance de vie augmente si fortement, c’est parce que les systèmes de santé locaux connaissent une prospérité inédite.

Structures hybrides et efficaces

L’équation semble simple. Mais elle demande au départ de répondre à plusieurs inconnues. Et de ne pas hésiter à faire preuve d’inventivité. Ainsi, au Rwanda – pays souvent vu comme un modèle local en politique de santé – le gouvernement a mis en place un système financé à parts égales par l’Etat et des donateurs étrangers. Cette structure hybride permet de couvrir 91% de la population. Bien plus que dans beaucoup de pays développés. Cette performance est d’autant plus remarquable que 45% des Rwandais vivent encore sous le seuil de pauvreté. Pour étendre ce système à un maximum de personnes, le pays a formé des milliers d’agents de santé communautaires – 45 000 selon l’ONU – envoyés dans toutes les provinces rwandaises selon une délimitation de districts. Diagnostics du paludisme, prescriptions de traitements, conseils nutritionnels ou encore aide à l’accouchement, autant de tâches qui leur sont attribuées, et qui participent à la chute de certaines maladies. Le taux de paludisme a par exemple diminué de plus de 50%, tandis que la mortalité liée à l’infection a été réduite de 70%. Le tout, en six ans. Le taux de mortalité infantile a chuté lui aussi de près de 50%.

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surgery in Kenya
Les systèmes de santé africains se structurent. Si ces avancées concrètes permettent une meilleure prévention, l’accès aux soins spécifiques, comme la chirurgie, restent difficiles.

L’innovation privée au service du public

Au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, c’est un système issu du secteur privé qui a pris en main le domaine de la santé. En 2013, la société PharmAccess lance le portefeuille de santé mobile mHealth. Utilisable avec un téléphone portable, il permet à ses utilisateurs de payer leurs dépenses de santé. Après une phase test de deux ans au Kenya, le groupe s’associe avec Safaricom, le plus grand opérateur mobile du pays, ainsi qu’avec le célèbre service de transfert d’argent via mobile, M-Pesa. M-Tiba est né. Toujours au Kenya, la startup Ona, qui a démarré ses activités il y a cinq ans, a créé un système de cartographie numérique qui aide les agents de santé des zones rurales à identifier les endroits où les patients ont besoin de leurs services. « J’ai consulté la liste et y ai reconnu la plupart des noms, explique le patron d’Ona, Matt Berg. C’est donc une excellente affirmation que nous allons dans la bonne direction et avons un impact. » En utilisant les technologies de cartographie et de données de sa plateforme mobile, Ona a développé d’autres applications. Ce groupe d’ingénieurs en logiciel, d’analystes de données, d’experts en santé publique et de concepteurs se positionne ainsi en entreprise sociale qui construit des systèmes de données nécessaire pour pour fournir des services vitaux aux personnes dans le besoin.

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